7 août 2009

UNE ROUE QUI NE PASSAIT PAS…

Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 4)

Johnny venait d'inventer la roue et transformer ses disques en une arme de guerre contre mes billes : la guerre de l'industrie contre la finance allait-elle avoir lieu ?

« Rappelle-moi, que dit ta dernière note de conjoncture, Jojo, lui demandai-je ?
- Une fois plus, ne m'appelle pas Jojo quand nous sommes dans un lieu public. Même pour toi, je suis le Devin ! »
Je jetais un coup d'œil autour de moi. Personne à cette heure-là à la taverne du lac. Il exagérait, Jojo.

« OK, MONSIEUR LE DEVIN, quelles sont vos dernières prévisions ?
- Rien de bien nouveau. Une légère tension sur le cours des billes, due à un accroissement tendanciel de la demande, en liaison avec les pluies de la semaine dernière et la reprise probable de l'offre en mammouth liée à la nouvelle saison de chasse. La routine, quoi. Ah si, une nouveauté.- Laquelle ?
- Le disque va avoir une nouvelle décote, me dit-il en éclatant de rire »
Je souris à la nouvelle, et surtout en pensant à la tête de Johnny. Il allait falloir que je passe une semaine de repos dans une des cavernes du lac, pour voir aussi la tête de Jacques. J'avais entendu dire que son affaire de nouvelles cavernes dans le Nord ne s'annonçait pas si facile. Peut-être une occasion de le retourner à mon profit.
A ce moment, un crissement infernal envahit tout mon horizon sonore et un objet bizarre apparut. Comment le décrire ? Je n'avais jamais vu quoique soit de tel.
Commençons par le haut. Là rien d'anormal, à part la quantité. Il s'agissait de plusieurs tables en pierre – j'en comptais au moins quatre –, surmontées d'un menhir.
Au milieu, commençait l'étrangeté. On aurait dit comme des arbres aplatis. Comme si des mammouths avaient joué à sauter sur des troncs jusqu'à en faire des galettes. C'était tout plat et formait comme un sol. Un sol, oui, mais en l'air et fait de bois. Incroyable !
Et dessous ? Comment dire ? Cela ressemblait à quatre disques de pierre reliés par des arbres, mais des disques énormes. Rien à voir avec les disques de Johnny. Ou alors si, mais des disques qui auraient mangé trop de soupe, grandi trop vite.
Et le tout roulait sans problème tiré par un mammouth, conduit par le fils d'Hector. Que faisait à la tête de cet équipage le fils de mon ami Hector ? Il fallait que j'aille lui demander.

Hector était aujourd'hui à la retraite et passait le plus clair de son temps au frais dans sa caverne, celle que je lui avais décoré (voir épisode 1). Je l'y trouvais.
« Oui, mon fils a un nouveau travail, me dit-il. Il est employé par Jacques pour acheminer les fournitures nécessaires à ses nouvelles cavernes au Nord.
- Mais je croyais qu'il n'avait pas les fonds nécessaires. Et puis, elles sont beaucoup trop loin ces cavernes.
- Pour les fonds, il n'a pas de problèmes. Il s'est associé avec Johnny qui roule sur le succès grâce à ces disques. Et ce n'est pas simplement une expression puisqu'il a transformé ses disques en roues !
- Des roues ? C'est quoi cette nouvelle invention ?
- De grands disques reliés par des tiges en bois et qui permettent de tout déplacer plus facilement. Tout le monde en veut maintenant. Johnny n'arrive même pas à en fabriquer assez. Il peut demander le prix qu'il veut, en billes… ou en disques. Mais il a une préférence bien sûr pour les disques…
- C'est ce que j'ai vu passer tout à l'heure conduit par ton fils.
- Oui, et cela permet de relier les nouvelles cavernes Nord facilement. Et toi, tes billes, cela se passe comment ? »
Je vis comme un sourire de commisération à sa bouche quand il disait cela.
« Bien, bien. Tout va bien. Cela… – j'allais dire « roule », mais j'ai retenu le mot à temps – marche comme sur des billettes ! Bon, ce n'est pas que je m'ennuie, mais il faut que j'y aille. »
Quelques minutes plus tard, j'étais chez Jojo.
« Mon cher Devin, nous avons un problème. Johnny est en train de révolutionner le monde des cavernes avec ses roues et son offre intégrée roue-disque. Il faut que tu sortes une note bien sentie lançant la suspicion là-dessus.
- Bob, tu es un ami, mais primo, je suis un Devin indépendant et on ne peut pas me dicter mes prévisions. Secundo, Johnny vient de m'offrir ce qu'il appelle une chaise roulante. Avec elle, je gagne en hauteur, dignité et efficacité. Alors… »
Décidément, j'avais un problème…

(à suivre)


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