20 août 2010

LES PRÉPARATIFS DU COMBAT DU FUTUR

Histoire de caverne (saison 5 - Épisode 5)

La guerre entre l'Académie des mathématiques et le LSD avait abouti à une neutralisation stérile dont il fallait sortir.

« Cela ne peut plus continuer ainsi, commença Jacques. Le prix de toutes les tours s'effondrent : à force de répéter que les prévisions des uns et des autres sont fausses, le seul résultat certain, c'est que plus personne ne croît à rien. Or pour investir dans le futur, il faut d'abord croire à quelque chose. »
Nous étions tous réunis pour un CCC exceptionnel.
« Tu as raison, lui répondis-je. J'en arrive à penser que l'important, c'est que l'un ou l'autre gagne. Après tout, nous nous sommes toujours accommodés des prévisions fantaisistes de Jojo quand il n'était que sorcier, c'est même ce qui m'a aidé à démarrer.
- Oui, mais maintenant qu'il est devenu l'Élu, poursuivit Christina (1), il est un fondamentaliste, opposé à tout développement économique, au sexe et à tout mélange entre humains et gorilles.
- C'est vrai, et nous devons aussi lutter contre cela. Mais je crois que d'abord, il faut arrêter cette guerre suicidaire sur les prévisions. Quelqu'un a-t-il une idée ?
- Je suis tellement sûr de la supériorité de mes tableurs, dit Paulo, que je suggère un combat entre Jojo et moi. Que le meilleur gagne !
- Pourquoi pas. On pourrait appeler cela le combat du futur. Reste à convaincre l'Élu – s'il te plaît, Paulo, essaie de ne plus l'appeler Jojo, cela ne fait que le mettre de mauvaise humeur ! – et à définir les modalités du combat. »

Il fut facile de convaincre l'Élu – lui aussi en avait assez du blocage actuel –, mais plus difficile de se mettre d'accord sur le déroulement du combat. L'enjeu était d'importance, et aucun des deux protagonistes ne voulaient risquer de se trouver défavorisé.

Au bout de près d'un mois de discussions, voici ce qui fut convenu :
- Le combat se déroulerait un soir de pleine lune et commencerait au coucher du soleil et se terminerait quand toutes les épreuves seraient effectuées. (2)
- Il aurait lieu dans la clairière nord du pays des cavernes. L'éclairage serait fourni par six torches attachées aux six grands arbres de la clairière. (3)
- Le combat comprendrait 3 épreuves, chacune valant un point. En cas d'égalité lors d'une épreuve, elle serait recommencée jusqu'à ce qu'il y ait un vainqueur. (4)
- La première épreuve consisterait à prévoir combien d'oiseaux passeraient dans le ciel de la clairière, le temps qu'un morceau de bois d'une longueur d'un bras brûle. (5)
- Pour la deuxième, il s'agissait de prévoir combien il y avait de gouttes d'eau dans un tronc préalablement évidé et rempli à ras bord. (6)
- La dernière consisterait à lâcher trois cents fourmis dans un labyrinthe et à prédire celle qui sortirait la première, toujours le temps d'un bout de bois comme pour la première épreuve. (7)

Le jour J – ou plutôt la nuit N –, tout le gratin des deux Mondes étaient là, même Christina avait fait le déplacement. La partie droite de la clairière avait été réservée aux fidèles du LSD : ils étaient tous habillés d'une grande tunique noire et enchaînaient prière sur prière. En face, ce n'étaient que rires, libations et danses, mélangeant humains, gorilles et chimpanzés.

Tout était prêt pour le grand combat…

(à suivre)

(1) Rappelons que Christina n'est jamais présente physiquement aux réunions du CCC, car elle réside au pays des cabanes dont elle est la chef. Elle participe aux réunions grâce à une liaison par le réseau Internex. Pour plus d'informations, revoir les épisodes de la saison 3 et de la saison 4.
(2) L'Élu tenait absolument à ce choix d'un soir de pleine lune. Pendant longtemps, Paulo refuse cette condition, pensant qu'il y avait un coup fourré caché derrière. J'ai réussi à le persuader d'accepter ce point en lui faisant faire une prédiction sur l'impact de la notion de pleine lune. La prévision révéla que cet impact était nul, et comme Paulo ne pouvait pas ne pas croire à ses propres prévisions, l'affaire fut entendue.
(3) L'idée de la clairière vint de Paulo. Il y avait beaucoup joué enfant et s'y sentait à l'aise. Comme de son côté, l'Élu se sentait conforté par la présence des arbres, ce point ne posa pas de problèmes. Quant au nombre de torches, personne ne sait bien d'où il vient.
(4) Le nombre impair permettait de garantir un vainqueur à l'issue du combat.
(5) Cette épreuve a été rendue possible par le choix de la pleine lune qui assurait une bonne visibilité des oiseaux. Pour compter les oiseaux, il fut convenu qu'un jury composé de quatre membres, deux issus de chaque camp, statuerait. La complexité de l'épreuve tenait d'une part à l'évaluation du temps que mettrait le bout de bois à brûler, et bien sûr au nombre d'oiseaux qui passerait dans cet intervalle.
(6) Cette épreuve témoigne, si cela était nécessaire, de la faiblesse des connaissances scientifiques de l'époque, car la notion même de « goutte d'eau » est bien imprécise. Mais les deux parties acceptèrent les termes de l'épreuve. Il fut convenu que l'on compterait les gouttes d'eau en vidant lentement le tronc, le jury assurant le comptage. Le déroulé de l'épreuve montra les limites de la méthode.
(7) Le labyrinthe était constitué de petits morceaux de bois enduit de graisse de mammouth afin que les fourmis ne puissent pas les escalader. Les fourmis seraient choisies au hasard parmi une colonie habitant à proximité de la clairière. Aucun membre du conseil du LSD, du CCC ou de l'Académie ne pourrait les approcher. Le choix serait fait par un enfant de trois ans, sourd, aveugle et muet. Une fois le choix fait, l'enfant serait mis à part, ainsi que sa famille, tant que le combat ne serait pas terminé.

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