31 juil. 2012
IMPOSSIBLE DE SAVOIR SI LE TAUX DE CROISSANCE FRANÇAIS EST DE -0,5 OU +3,5%
BEST OF (19 janvier 2012)
Arrêtons de dire et faire n’importe quoi
L’ensemble des experts économiques, et des responsables politiques prennent actuellement leurs décisions au vu des taux de croissance des économies, et de leur évolution. Comme ceci se traduit dans l’évolution effective des taux d’intérêt que chacun de nous, directement ou indirectement, payons, ainsi que dans le niveau de nos impôts et la qualité effective des services publics, il est important de s’assurer que ces taux sont bien pertinents.
Reprenons donc comment ils sont calculés.
Tout part du PIB, c’est-à-dire du produit intérieur brut. Il faut d’abord accepter que ce PIB soit représentatif effectivement l’économie réelle du pays en question. Cela reste à démontrer, mais, soyons bon prince, et acceptons-le…
Ensuite, on calcule donc le taux de croissance du PIB, c’est-à-dire la variation de ce PIB pour une durée donnée, qui est le plus souvent l’année : on prend donc le PIB d’une année N que l’on compare à celui de l’année N-1.
Supposons que le PIB soit mesuré à 1% près. Cela signifie que l’on ne sait pas si la réalité se situe en dessus ou en dessous, et ce à un pour cent. Comme les phénomènes de la vie sont chaotiques, on ne peut pas non plus dire que l’on se trompe toujours dans le même sens. On peut juste au mieux espérer avoir borné le taux d’erreur à 1%. Donc si l’on se trompe par excès lors de l’année N-1, rien ne dit que l’on ne se trompe pas par défaut en année N, ou l’inverse.
Que se passe-t-il alors pour le taux de croissance ?
- Si le taux de croissance calculé est de 2%, le taux de croissance est en fait compris entre 0 et 4%, et sans que l’on puisse dire où il se trouve dans l’intervalle. (1)
- Si le taux de croissance calculé est de 1%, l’imprécision est cette fois plus forte, car on ne peut même plus être certain qu’il y a bien une croissance, car le taux se situe entre -1 et 3% ! (2)
Supposons maintenant que le PIB soit calculé dix fois plus précisément, c’est-à-dire à 0,1% près, que se passe-t-il ?
- Si le taux de croissance est de 2%, il est compris entre 1,8 et 2,2%.(3)
- Si le taux de croissance est de 1%, il est compris entre 0,8 et 1,2%.
Comme les taux de croissance de tous les pays occidentaux se situent entre 1 et 2%, et que l’on tire des conclusions sur eux-mêmes et leurs variations, j’en déduis donc que l’on sait calculer les PIB à 0,1% près.
Comment sérieusement pourrais-je croire cela ? Mon expérience de consultant m’a montré que la réalité du chiffre d’affaires d’une entreprise est au mieux approchée à quelques % près. Comment pourrait-on faire mieux pour un pays, réalité infiniment plus complexe et mouvante ?
J’en conclus donc que tout ce que l’on raconte et énonce à partir des taux de croissance est sans fondement…
Pour ce qui est de la France, le taux de croissance est annoncé à 1,5% pour 2010. Si l’on admet que le PIB de 2009 et 2010 est exact à 1% près, le taux français est en fait compris entre -0,5% et 3,5%, et nous n’avons aucun moyen de savoir où il se situe au sein de cet intervalle.
Or on discute d’évolution du taux de croissance de + ou – 0,2%, évolution qui ne serait même pas mesurable, si le PIB était exact à 0,1% près !
Et je fais remarquer que le plus probable est que l’on se trompe de beaucoup plus que de 1% sur le PIB, ou encore que l’écart entre le PIB et la réalité de l’économie française est de plus de 1%...
Et dire qu’en plus, on parle de taux de croissance prévisionnel !
Tout ceci ne serait pas grave si l’on était en train de jouer au Monopoly avec de faux billets. Mais c’est bien de l’argent, du travail et de la vie de tout un chacun qu’il s’agit !
Mon propos n’est évidemment pas de dire que l’on devrait se désintéresser de savoir comment va l’économie de nos pays, et si elle est ou non en croissance, mais que ces taux ne le mesurent pas, et ne veulent rien dire.
Ne serait-il pas temps de s’en rendre compte, et d’arrêter de – excusez la brutalité de mon propos – dire, et donc de faire collectivement n’importe quoi ? Il y a urgence…
(1) Le PIB initial est donc compris entre 99 et 101, et le PIB après croissance entre 101 et 103 (102 ± 1). Comme on ne peut pas affirmer que l’erreur est toujours dans le même sens, le taux de croissance est compris entre (103/99 - 1) et (101/101 - 1), soit 4% et 0%.
(2) Le PIB initial est toujours compris entre 99 et 101, et après croissance cette fois, il est entre 100 et 102 (101 ± 1). Le taux de croissance est donc compris entre (102/99 – 1) et (100/101 – 1), soit entre 3% et -1%
(3) Le PIB initial est compris cette fois entre 99,9 et 100,1, et après croissance entre 101,9 et 102,1. Le taux de croissance est donc entre (102,1/99,9 - 1) et (101,9/100,1)/100,1 – 1), soit entre 2,2 et 1,8 %.
(4) LE PIB initial est toujours entre 99,9 et 100,1, et après croissance cette fois entre 101,1 et 100,9. Le taux de croissance est donc entre (101,1/99,9 – 1) et (100,9/100,1 – 1), soit entre 1,2 et 0,8%.
27 juil. 2012
« REGARDEZ, NOTRE TGV A DÉRAILLÉ ! »
BEST OF (17 janvier 2012)
Comment savoir ce qui se passe vraiment ?
Voilà une heure et demie que nous avions quitté Paris. Besoin de savoir où nous nous trouvions, car nous étions partis en retard. Quelques secondes plus tard, grâce à mon iPhone et à Google Maps, j’avais la réponse : nous nous trouvions encore au Nord de Macon.
En regardant, mon écran, je ne pus m’empêcher de laisser échapper à voix basse, mais suffisamment haute pour que mon voisin pût m’entendre : « Tiens, nous venons de dérailler ! »
A son regard, je vis qu’il me prenait pour un fou. Aussi me tournant vers lui, je continuai, cette fois, à voix haute :
« Eh bien oui, selon mon iPhone, le TGV vient de dérailler. Le GPS est trop fiable. La technologie ne peut pas se tromper. Qui a raison lui ou nous ? »
Il me regarda alors, en pensant que vraiment, j’étais un fou. Je poursuivis, en tournant vers lui mon iPhone :
« Regardez mon écran. Voyez ce point, c’est notre train, et le trait le rail. Depuis un moment, le point n’est plus sur le rail. Donc nous avons déraillé. »
Je marquai une pause pour laisser un peu plus le malaise s'emparer de lui.
« Il est vrai que nous sommes dans le train, et que nous pouvons constater que le TGV n’a pas déraillé. Donc le GPS ou la carte de Google Maps doivent se tromper. Si notre train n’était plus sur les rails, nous nous en serions rendus compte. Mais maintenant imaginez que vous êtes au siège de la SNCF, que vous suivez grâce à ce logiciel le bon déroulement des voyages en TGV, et que vous vous fiez là-dessus pour déclencher les alertes. Vous êtes devant un tableau de commandes, vous n’êtes pas dans le train, vous avez seulement cette application. Pour vous, c’est sûr, le train a déraillé. Donc vous déclenchez l’alerte, vous envoyez gendarmes, secours, hélicoptères, et tutti quanti ! »
Il me regarda en souriant et nous avons continué à parler de la fragilité des tableaux de bord et des outils de pilotage.
Car, ainsi va la vie, nous croyons avoir accès au réel, alors qu’en fait, nous n’avons accès qu’à une représentation du réel, et nous n’arrêtons pas d’envoyer des hélicoptères pour des TGV qui n’ont pas vraiment déraillé.
A propos, sommes-nous si sûrs que le PIB mesure vraiment ce qui se passe dans un pays ? Et les taux de croissance et d'inflation ? Et les prévisions sur ces mêmes indicateurs ? Sommes-nous en train de dérailler ? ....
A propos, sommes-nous si sûrs que le PIB mesure vraiment ce qui se passe dans un pays ? Et les taux de croissance et d'inflation ? Et les prévisions sur ces mêmes indicateurs ? Sommes-nous en train de dérailler ? ....
24 juil. 2012
INCERTITUDE, CLOISONNEMENT ET PROPAGATION
BEST OF (10-11-12 janvier 2012)
Incertitude, cloisonnement et propagation
Que se passe-t-il ? Le monde est-il donc devenu brutalement incertain ? Ou sommes-nous devenus, du jour au lendemain, incapables de nous projeter dans le futur ? Faut-il redorer le blason des cartomanciennes, et aller tirer les cartes pour construire des plans stratégiques ?
Non, bien sûr.
Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer sur ce blog, et longuement dans la première partie de mon livre, les Mers de l’incertitude, l’incertitude était là de tous temps, car elle est le moteur du monde. Depuis le Big-Bang, tout se complexifie et dérive constamment : aléas de l’entropie, évolution chaotique – au sens mathématique du terme – de la plupart des phénomènes, auto-organisation des cellules vivantes, mouvements erratiques du monde animal, importance de la dimension des processus inconscients, emboîtement de libres arbitres… Bref que des raisons de voir l’incertitude non seulement s’accroître, mais le faire de plus en plus vite.
Alors pourquoi diable, avons-nous l’impression que, il n’y a ne serait-ce qu’une vingtaine d’années, ou même une dizaine d’années, tout était plus prévisible, moins incertain ?
Parce qu’alors l’incertitude était contenue, localisée, comme « emprisonnée ». Qu’est-ce que je veux dire par là ?
Chacun de nous est soumis à toutes les incertitudes
Il y a dix ou vingt ans, nous n’étions, chacun de nous, soumis qu’à l’incertitude de ce qui était autour de nous, à portée de notre vue et notre toucher. Nous savions que nous pouvions subir le décès imprévu d’un de nos proches, que le ticket de loterie que nous venions d’acheter pouvait être gagnant ou pas, qu’un client pouvait nous faire défaut, qu’une machine pouvait brutalement se casser, qu’il était imprudent d’affirmer qu’il ferait beau demain, etc.
Par contre, ce qui se passait dans le lointain, dans une autre ville, un autre pays, un autre continent, cela ne nous concernait pas. Nous pouvions regarder serein les informations, sans nous sentir impliqué, car cela n’avait pas de conséquences directes sur notre vie quotidienne, sur notre famille, sur notre emploi, sur notre entreprise, sur notre pays. Ou plutôt la vitesse de propagation des effets était suffisamment lente, pour que nous ayons le temps d’être informés et d’avoir mis en place des actions correctives. Donc ce n’était plus incertain pour nous.
Le monde était donc partitionné, cloisonné, et nous en avions l’habitude. Nous étions protégés des incertitudes des autres. Certes le champ géographique de propagation des incertitudes s’était étendu au rythme du développement de l’énergie et des transports, mais jusqu’à ces dernières années, la vitesse de propagation restait limitée.
Avec le déferlement de l’informatique, des télécommunications et d’internet, cette partition du monde a volé en éclat. Tout se propage instantanément, et nous sommes directement et immédiatement exposés à toutes les incertitudes. Et dès lors, l’aléa change de dimension, et nos peurs se lèvent.
Eh bien, c’est exactement ce qui se passe depuis peu : chacun de nous est soumis au jeu de tous les autres.
Que faut-il faire alors ? Essayer de reconstruire la partition du monde ? Prôner le suicide collectif et immédiat, car il ne sert à rien de différer l’holocauste ?
Mais nous sommes aussi soumis à tous les gains potentiels
Mais nous sommes aussi soumis à tous les gains potentiels
Revenons à la partie de dés, où si vous faites quinze fois de suite un « 6 », vous perdez tout, et complétons la règle avec les ajouts suivants, si vous faites une série de quinze chiffres identiques autre que le « 6 », vos avoirs seront multipliés par un facteur dix si c’est un « 1 », cent si c’est un « 2 », mille si c’est un « 3 », un million si c’est « 4 » et un milliard si c’est un « 5 ».
Si vous êtes seul à jouer, peu de chances de gagner ou de perdre. Vous n’allez pas vous intéresser à ce jeu.
Si c’est à nouveau la planète qui joue pour vous, vous avez une chance sur soixante-sept de tout perdre, et une chance sur treize de multiplier vos avoirs (dix fois, cent fois, mille fois, un million de fois, un milliard de fois).
Si vous êtes seul à jouer, peu de chances de gagner ou de perdre. Vous n’allez pas vous intéresser à ce jeu.
Si c’est à nouveau la planète qui joue pour vous, vous avez une chance sur soixante-sept de tout perdre, et une chance sur treize de multiplier vos avoirs (dix fois, cent fois, mille fois, un million de fois, un milliard de fois).
Alors toujours nerveux ? Moins n’est- ce pas. Vous seriez même peut-être à jouer, non ? Surtout si je change les probabilités, et qu’il suffit, par exemple, d’une série de dix chiffres identiques pour gagner, et toujours quinze pour perdre…
Voilà le jeu auquel joue notre planète : certes les incertitudes se propagent à toute vitesse, mais les bonnes comme les mauvaises, et nous sommes d’abord riches de notre diversité et de nos échanges.
Pourquoi ?
Parce que l’incertitude, le désordre et les échanges sont le moteur du vivant : plus il y a d’incertitude, de désordre et d’échanges, plus la vie se développe. On ne protège pas la vie en la cloisonnant, au contraire.
Penser aux risques des mariages consanguins : le métissage enrichit l’ADN du monde, le cloisonnement l’appauvrit.
Avec le retour à l’isolement et la remontée des barrières, nous ne serions pas plus riches, mais plus fragiles : moins d’innovation, moins de puissance dans la recherche, moins de performance dans les nouveaux produits. Les laboratoires et les chercheurs se nourrissent des découvertes des uns et des autres, les améliorations techniques inventées dans une usine se répandent partout, la création musicale ou littéraire rebondit d’un lieu à l’autre, internet est une immense agora collective.
Alors ayons l’attitude du joueur, et n’ayons plus peur de l’incertitude : elle est la garante de notre survie et notre développement…
20 juil. 2012
ENTRE MIRAGE ET RÉALITÉ, ENTRE PARTI ET ARRIVÉ...
Entre-deux…
Comme un caillou jeté en l'air, comme une espérance...
Vers toi
M’envoler
vers toi, toi que je ne connais pas,
Transformer
l’image virtuelle de nos échanges,
Mettre en jeu le construit de mon imaginaire,
Pour la force de tes bras, pour la dureté de ta peau.
Pour la force de tes bras, pour la dureté de ta peau.
Dix heures
dans une boîte, dix heures de passerelle,
Entre deux
mondes, de l’Europe à l’Asie,
Du pensé au
vécu, du possible au réalisé,
Dix heures
pour te sentir en moi, dix heures pour risquer la joie.
Rien n’est
certain, rien n’est couru,
Tout peut s’effacer, dans les nuages d’un mirage,
Tout peut n’être que vent, qu'un espoir envolé,
Comme cet avion dans lequel je vais vers toi.
Tout peut s’effacer, dans les nuages d’un mirage,
Tout peut n’être que vent, qu'un espoir envolé,
Comme cet avion dans lequel je vais vers toi.
19 juil. 2012
NOUS NE PERCEVRIONS LE PRÉSENT QUE COMME ÉCART PAR RAPPORT À NOS PRÉVISIONS
Le cerveau se ferait constamment une idée du futur qui l’attend (Neurosciences 20)
En quoi donc notre
cerveau est-il concerné par les mathématiques bayésiennes et les calculs de
probabilité ?
Voici de façon
synthétique les raisons avancées par Stanislas Dehaene (1):
1. Ces inférences rendent compte des processus de perception : étant donné des entrées ambiguës,
notre cerveau en reconstruit l’interprétation la plus probable.
En effet, notre vue ne transmet au cerveau qu’une photographie de ce qui
nous entoure. Notamment la plus plupart de ce qui nous entoure est
partiellement caché, et nous n’en voyons qu’une partie. En tenant compte de la
succession des images transmises (qui vont révéler une partie de ce qui est
caché) et de ce que nous avons appris depuis notre naissance, le cerveau va
interpréter ces informations pour nous permettre de comprendre ce qui nous
entoure. Par exemple, si nous voyons la tête d’un ami dépasser d’un mur, nous
allons inférer que cet ami est bien présent derrière ce mur.
2. Nos décisions combinent un
calcul bayésien des probabilités avec une estimation de la valeur probable et
des conséquences de nos choix.
Prendre une décision suppose d’avoir construit une interprétation du
monde qui nous entoure, ce à partir de ce que nous en percevons. Cette
interprétation est issue de la valeur la plus probable, telle que calculée
selon les mathématiques Bayésiennes. Par exemple, si nous devons parier sur la
couleur d’une bille tirée d’une urne, nous allons spontanément ne prendre en
compte que les couleurs étant apparues lors des tirages précédents.
3. L’architecture du cortex
pourrait avoir évolué pour réaliser, à très grande vitesse et de façon massivement
parallèle, des inférences Bayésiennes.
Sur la base de ce qu’il connaît, notre cerveau construit dynamiquement
une projection du futur, tel qu’il devrait être, c’est-à-dire tel qu’il est le
plus probable qu’il soit (codage prédictif). Ensuite, les informations issues
de la situation réelle ne sont pas codées telles qu’elles apparaissent, mais en
tant qu’écarts par rapport à cette prévision. Ainsi ce sont les différences et
les nouveautés qui ont transmises (propagation des signaux d’erreur).
4. Le bébé semble doté, dès la
naissance, de compétences pour le raisonnement plausible et l’apprentissage
Bayésien.
Dès la naissance, nous serions capables de combiner de façon quasi
optimale les a priori issus de notre
évolution et les données reçues du monde extérieur. Ainsi la théorie Bayésienne
résoudrait le dilemme classique entre les théories empiristes et nativistes. L’apprentissage
du langage, la reconnaissance des mots, et la théorie de l’esprit pourraient
également être modélisés comme des inférences Bayésiennes.
Telle est toute l’étendue de ce
cours 2012. Vous percevez déjà l’importance des conséquences de cette nouvelle
vision du fonctionnement du cerveau, ce notamment sur notre approche de
l’incertitude : si notre cerveau est structurellement et intimement
construit pour prévoir le futur à partir du passé et du présent, il n’est pas
surprenant que nous ayons du mal à appréhender la nouveauté et les ruptures.
Tout ceci mérite bien sûr de s’attarder davantage.
C’est ce que je ferai à la rentrée, à compter du lundi 3 septembre. Je reviendrai
alors plus en détail sur ce cours 2012, et sur ces conséquences pour le
management des entreprises.
D’ici-là, mon blog va, comme tous les ans, prendre quelques vacances.
Pendant celles-ci, sera diffusé, au rythme de deux articles par semaine (un le
lundi, un le jeudi), un best of tiré des articles parus jusqu’à présent.
Pendant cette période, je vais aller me laisser perdre dans l’effervescence de l’Inde du Sud, occasion de nouvelles découvertes, de prise de recul, et aussi très probablement de commencement de la rédaction de mon prochain livre…
Pendant cette période, je vais aller me laisser perdre dans l’effervescence de l’Inde du Sud, occasion de nouvelles découvertes, de prise de recul, et aussi très probablement de commencement de la rédaction de mon prochain livre…
Avant cela, juste quelques lignes demain, comme un pont entre ici et là-bas...
(à suivre le 3/9/12)
(à suivre le 3/9/12)
(1) Pour ceux qui veulent plus de détails, le mieux est de suivre l’intégralité du cours 2012
18 juil. 2012
PRÉVOIR LE PASSÉ À PARTIR DU PRÉSENT
Comment imaginer ce que nous ne
connaissons pas à partir de ce que nous voyons (Neurosciences 19)
Voilà donc notre cerveau qui, à
l’instar de Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir,
manipulerait sans cesse des statistiques, et ferait des inférences Bayésiennes.
En paraphrasant les célèbres
dialogues de Molière dans le Bourgeois gentilhomme, on pourrait dire en
imaginant un dialogue entre Stanislas Dehaene et un grand bourgeois
contemporain :
« Non,
Monsieur : tout ce qui n'est point inférence Bayésienne est certain; et tout ce
qui n'est point certain est inférence Bayésienne.
- Et
comme l'on pense qu'est-ce que c'est donc que cela ?
- De l’inférence
Bayésienne.
- Quoi
? Quand je pense : "Je regarde le ciel, et j’en conclus qu’il va pleuvoir,"
c'est de l’inférence Bayésienne ?
- Oui,
monsieur.
- Par
ma foi ! Il y a plus de quarante ans que je fais des inférences Bayésienne sans
que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir appris
cela. »
Plus
sérieusement de quoi s’agit-il ?
Faisons
d’abord un flash-back au XVIIIème siècle, à l’époque où le révérend
Thomas Blayes, pasteur dans la journée, écrivit un ouvrage, Une introduction à la doctrine des fluxions,
et une défense des mathématiciens contre les objections faites à l'auteur de
l'Analyse (sic !), ouvrage qui fut repris à sa mort par son ami
Richard Price dans un essai intitulé Essai
sur la manière de résoudre un problème dans la doctrine des risques.
Cet ouvrage institua ce qui fut appelé la «
règle de Bayes » et qui est une forme d’inversion du raisonnement suivi
dans les probabilités :
-
Dans le
calcul de probabilités, on cherche à avoir une idée du futur à partir de la
situation actuelle : que risque-t-il d’arriver compte-tenu de tout ce que
l’on sait de la situation actuelle (y compris de la situation passée).
-
Dans la
« règle de Bayes », on cherche à partir de la situation actuelle et
de tout ce que l’on en connaît, à imaginer ce qui a pu exister avant, et
conduire à cette situation.
Pour
être plus clair, prenons le cas d’une urne dans laquelle on procède à un
tirage :
-
Si l’on
procède à un raisonnement probabiliste, on va chercher à prévoir le futur
tirage, et l’on va calculer les probabilités respectives, compte-tenu du contenu
de l’urne : si l’urne contient p boules noires, et q boules rouges, on
pourra dire que l’on aura soit une boule noire, soit une boule rouge, et les
probabilités respectives seront de p/p+q et q/p+q.
-
Si l’on
procède à une inférence Bayésienne, on va partir des tirages observés pour
imaginer quel peut être le contenu de l’urne. Donc dans ce cas, comme on aura
constaté que l’on n’a tiré que des boules noires et rouges, on inférera d’abord
que l’urne ne doit contenir que des boules noires ou rouges. Ensuite en
fonction du nombre de boules de chaque couleur, on inférera le nombre de boules
probables se trouvant dans l’urne.
Mais
comme dans la projection vers le futur, sauf à avoir accès au contenu de
l’urne, on n’a pas de certitudes :
-
Ce
n’est pas parce que, jusqu’à présent, on n’a tiré que des boules noires et
rouges, qu’il est certain qu’il n’y a rien d’autres dans l’urne.
-
Le
nombre de boules imaginé à partir du nombre de boules tirés n’est que le nombre
le plus probable, ni plus, ni moins.
Ainsi
les inférences Bayésiennes sont une forme de probabilités à rebours. Comme si
un joueur au casino voulait savoir pourquoi il avait gagné ou perdu !
Mais en
quoi cela concerne-t-il notre cerveau ?
(à suivre)
17 juil. 2012
NOUS NE VOYONS PAS, NOUS CONSTRUISONS DES VUES PLAUSIBLES
Notre cerveau est un Monsieur Jourdain du calcul statistique (Neurosciences
18)
Depuis plus de trois semaines, je
vous ai emmené dans une promenade guidée au sein des découvertes récentes de l’équipe de
Stanislas Dehaene et des résumés qu’il a fait des travaux des autres.
Nous avons commencé par la
découverte des neurones de la lecture qui nous ont initiés à l’art du bricolage
et du recyclage. Puis ce furent ceux des nombres et de notre capacité non
seulement à compter, mais aussi à subitiser
- c’est-à-dire à savoir immédiatement, subitement - et à estimer des quantités.
Commença alors le voyage dans les
volutes plus profondes de notre identité, ce en trois escales :
l’inconscient cognitif et sa merveilleuse machinerie massivement parallèle, la
conscience et son espace de travail global où se tissent les stratégies et se
pilotent les mises en œuvre nouvelles, et enfin la métacognition et cette
étrange capacité à nous dédoubler, en observateur de nous-mêmes, conscient de
notre existence.
Voilà maintenant la fin
« provisoire » de ce voyage avec ce qui, je pense, est le plus
étonnant, et peut-être le plus riche de conséquences, notamment pour le
management des hommes et des entreprises : le cerveau statisticien.
En effet dans son cours 2012,
Stanislas Dehaene va nous montrer que, sans le savoir, nous sommes tous, plus
ou moins, des mathématiciens, et que notre cerveau n’arrête pas de calculer des
probabilités, de faire des estimations et de choisir ce qui lui paraît le plus
plausible.
On ressort de cela avec la vision
classique en miettes : contrairement à ce que l’on croît, nous ne
« voyons » pas ce que nous regardons, ni n’ « écoutons » ce
que nous entendons. Entre les informations captées par nos sens et nos pensées,
il y a toute une série de calculs, de choix et d’optimisations, qui se passent
sans que nous en rendions compte…
Nous faisons sans cesse ce qui
s’appellent des « inférences probabilistes », c’est-à-dire que, sur
la base de ce que nos sens ont capté et de ce que notre expérience passée nous
a appris, nous nous faisons une idée sur ce qui se passe et sur les
significations éventuellement sous-jacentes.
Ces inférences sont omniprésentes
dans tous les domaines de la cognition : perception, action, apprentissage
du langage, reconnaissance des mots, inférences sur l’esprit des autres… Nous
n'arrêtons pas de faire des interprétations et des calculs de probabilité, nous
supposons par défaut que la lumière vient d'en haut, nous rajoutons des informations
sur ce qui est perçu, nous avons des a
priori sur le monde extérieur, a
priori qui complètent nos perceptions ambiguës.
Bref, nous construisons ce qui
nous paraît plausible, ce qui s’appelle en théorie mathématique, l’inférence
Bayésienne.
Mais que diable veut dire une
inférence Bayésienne ?
(à suivre)
16 juil. 2012
ET SI LE PROPRE DE L’HOMME ÉTAIT L’AUTO-ÉVALUATION
Moi et les autres, est-ce si
différent ? (Neurosciences 17)
Après avoir étudié les liens
entre métacognition et conscience, Stanislas Dehaene en arrive à la question du
lien entre métacognition et théorie de l’esprit : comment peut-on se
représenter son propre esprit en train de se représenter une information ?
Précisons d’abord les quatre
niveaux allant du fait vers la métacognition :
-
Fait : une voiture rouge est
passée ce matin
-
Conscience primaire : j’ai vu (une
voiture rouge passer ce matin)
-
Mémoire : je me souviens que (j’ai
vu (une voiture rouge passer ce matin))
-
Méta-mémoire : je sais que (je me
souviens que (j’ai vu (une voiture rouge passer ce matin)))
Il y a donc une forme de
continuum entre la façon dont nous observons le monde qui nous entoure, et
notre capacité à nous observer. Les expériences actuelles vont plus loin et semblent
montrer qu’il y a un lien étroit entre la connaissance de l’autre et la
connaissance de soi :
-
Elles se développent
simultanément chez l’enfant,
-
Elles ne sont pas indépendantes
et interagissent entre elles,
-
Elles font appel à un réseau
similaire d’aires cérébrales
Finalement, il semble bien que
nous utilisions le même format de représentation mentale et les mêmes aires
cérébrales pour représenter notre esprit et celui des autres.
Que se passe-t-il alors quand
nous travaillons en groupe ? Sommes-nous capables d’être collectivement
plus efficaces que la seule somme de nos individualités prises
séparément ?
Oui, à une condition : que
l’on demande aux participants de se mettre d’accord. Intéressant, non ?
Voici l’expérience en
question (1) :
-
On soumet simultanément deux
personnes au même test. Si leur réponse diffère, les deux personnes échangent
jusqu’à ce qu’elles se mettent d’accord.
-
La performance conjointe est
meilleure que celle de chacun des individus, de leur moyenne, et même du
meilleur des deux.
-
Ceci ne peut s’expliquer qu’en
supposant que les participants échangent leur niveau de confiance sur ce qu’ils
ont vu, et que l’on mobilise ainsi aussi des connaissances non-conscientes.
Stanislas Dehaene en conclut que
le dialogue social améliore la performance humaine, et qu’il a donc été
peut-être encouragé par l’évolution. Tout ceci apporte une nouvelle
justification à mes développements sur la nécessité de la confrontation dans
les entreprises, ce surtout en situation incertaine et mouvante (voir mes articles sur ce sujet)
Ce cours 2011 se termine par un
détour dans le monde animal : les animaux disposent-ils d’une forme
d’introspection ?
La réponse semble être positive :
- Les singes savent quand ils se souviennent. Plus un singe risque de se tromper, plus il choisit de refuser de répondre : il écarte sélectivement les essais où il se juge (correctement!) incapable de répondre correctement.
- L’estimation de l’incertitude semble faire partie intégrante de la décision. A ce titre, elle est présente chez de nombreuses espèces animales. Plus impressionnant est le fait que ces animaux parviennent à utiliser leur estimation de l’incertitude pour modifier leur comportement. Il s’agit véritablement d’un jugement de second ordre ou métacognitif (mais pas nécessairement conscient).
- Cependant, les expériences de laboratoires posent toujours la question de l’entraînement intensif de l’animal… Une approche éthologique reste à mener afin de vérifier si de tels jugements sont utilisés en milieu naturel.
Ne sommes-nous donc que des
« animaux-plus » ?
Probablement… et alors, est-ce un problème ? Notons qu’une des
aires cérébrales qui nous distinguent le plus du reste du monde animal est
l’aire 10 du cortex préfrontal, une aire qui interviendrait particulièrement
dans l’auto-évaluation des performances et dans celle de sa situation
personnelle, moi par rapport aux autres.
Le propre de l’homme ne serait-il
donc plus le rire, mais la capacité à prendre du recul par rapport à lui-même
et à se penser en tant qu’individu ?
Quelle belle chute non, pour ce
cours sur la métacognition !
Demain, je poursuivrai avec le
cours 2012, et la découverte du cerveau statisticien : sans le savoir,
nous n’arrêterions pas de calculer des probabilités…
(à suivre)
(1) Expérience menée par Bahrami,
B., Olsen, K., Latham, P. E., Roepstorff, A., Rees, G., & Frith, C. D. en
2010
13 juil. 2012
TOUT UN FATRAS DE VIE…
Un moi qui émerge ?
Où est-ce que je
commence ? Où est-ce que je finis ? Comment puis-je avoir la
sensation d’exister et d’être moi, alors que je ne fais que changer ?
Un poème en miroir à ces questions qui sont un écho au cours de Stanislas Dehaene…
Conscience
Conscient de quoi ? Conscient de moi ?
Conscience
Conscient de quoi ? Conscient de moi ?
Toutes ces pensées accumulées, tous ces pleurs
refoulés,
Tous ces cris emmagasinés, toutes ces joies
repensées,
Tous ces chocs ressentis, tous ces coups
encaissés,
Tout ce fatras de vie,
Font-ils vraiment une identité, mon identité ?
Ces doigts que je regarde, cette main qui me
saisit,
Cette peau qui m’environne, cette sueur qui
s’écoule,
Cette tête que je secoue, ces jambes qui me
déplacent
Tout ce fatras de chair et d’os,
Font-ils bien un corps, mon corps ?
Poupées russes intriquées, cellules emboîtées,
Les idées dans les neurones, le sang dans les
artères,
Le passé dans les synapses, le futur dans les
possibles,
Tout ce fatras de vide,
Font-ils un présent, mon présent ?
Conscient de quoi ? Conscient de moi ?
12 juil. 2012
METTONS EN COMMUN NON SEULEMENT NOS CONNAISSANCES, MAIS AUSSI NOS DEGRÉS DE CONFIANCE
Nous avons une idée sur ce que nous n’avons
pas vu (Neurosciences 16)
Quels sont donc les liens entre
métacognition et conscience ?
Stanislas Dehaene commence avec
cette question apparemment étrange : la métacognition est-elle possible en
l’absence de conscience, ou, formulé autrement, pourrions-nous avoir accès à
des informations sur nous-mêmes, sans que cet accès soit automatiquement
conscient ? Ou encore pourrions-nous avoir un avis sans que nous le
sachions, sans que nous nous en rendions compte ?
Eh bien, la réponse est
oui !
Avant de donner les réponses
apportées, reprécisons ce qu’est le jugement de confiance : c’est notre
capacité à évaluer la confiance que nous accordons à nos réponses.
Expérimentalement, il est possible de mesurer les deux éléments : quelle
est la performance intrinsèque de nos réponses (est-ce que nous nous trompons)
et de notre jugement de confiance (est-ce que nous nous évaluons correctement).
Les différentes études menées ont
montré que ce jugement de confiance était une compétence en soi, c’est-à-dire que
nous pouvions être capable d’avoir une évaluation correcte de notre
performance, tout en nous trompant régulièrement.
Ainsi, dans des cas où des sujets
disent n’avoir rien vu (cas de stimuli masqués), le jugement de confiance peut
être meilleur que le hasard : on pourrait ainsi évaluer consciemment ce
que l’on n’a perçu que de façon non-consciente. Si, au lieu de masquer les
stimuli, on utilise des techniques de distraction attentionnelle pour rendre
invisible les stimuli, la corrélation entre confiance et performance devient
même correcte.
Stanislas Dehaene en conclut qu’une estimation élémentaire de l’incertitude
accompagne chaque jugement perceptif, même inconscient. Il se pourrait que
chaque aire cérébrale code à la fois le stimulus le plus probable qui
explique les entrées sensorielles, ou la réponse la plus probable ou la plus
renforcée dans ces circonstances, mais également l’incertitude associée à cette
estimation, et peut-être même toute la distribution de probabilité associée
Ainsi
même si nous n’exprimons qu’un seul résultat – celui qui nous pensons et disons
avoir vu –, nous avons mémorisé toute une série de données qui nous permet
d’avoir un avis sur le résultat donné. (1)
C’est
ce qui expliquerait que nous puissions avoir un assez bon jugement sur notre
propre degré d’erreur.
Au vu
de ces éléments, nous devrions donc, dans les entreprises, demander à chacun,
et singulièrement aux experts, un avis sur la fiabilité de ce qu’il avance. Si
cela était fait brutalement, ce serait très probablement vécu comme une mise en
accusation, voire une remise en cause des expertises. Or il n’en est
rien : c’est bien d’une compétence indépendante qu’il s’agit.
Faisons
donc de la pédagogie dans les entreprises, expliquons que chacun a deux
compétences – ce qu’il sait, et la confiance qu’il a sur ce qu’il sait –,
et mettons en commun les deux. Nous devrions échanger non seulement sur nos
connaissances, mais aussi sur nos degrés de confiance en ce que nous savons. La
performance globale en sera nettement améliorée…
(à suivre)
(1) Ce
point sera repris longuement dans le cours 2012 sur lequel je viendrai plus
tard
11 juil. 2012
SE TESTER SYSTÉMATIQUEMENT POUR MIEUX SE CONNAÎTRE ET MOINS SE TROMPER
Même de façon limitée, nous pouvons
apprendre à mieux savoir (Neurosciences 15)
Si notre capacité métacognitive
n’est pas une illusion, elle est à tout le moins très limitée, et beaucoup plus
que nous le pensons souvent.
Non sans humour, à l’appui de son
propos, Stanislas Dehaene reprend les propos tenus par Donald Rumsfeld, le 12
février 20002, concernant les armes de destruction massive soi-disant présentes
en Irak : « As we know, there
are known knowns; there are things we know we know. We also know there are
known unknowns; that is to say we know there are some things we do not know.
But there are also unknown unknowns -- the ones we don't know we don't know. »
Une pensée digne du clair-obscur inventé par les peintres du XVIIème
siècle !
Plus sérieusement, il insiste sur
nos illusions métacognitives, singulièrement lorsque nous pensons approcher de
la solution, ou lorsque nous pensons avoir suffisamment étudié une question.
Rien de moins vrai : la seule chose qui soit vraiment régulière…est le
fait que nous nous trompons !
Mais si l’erreur est constante,
elle n’est pas totale : notre métacognition n’est pas totalement fausse.
Il y a bien un lien entre sensation de savoir, et l’existence de ce savoir,
mais un lien faible. Le problème est que cette corrélation nous conduit le plus
souvent à surestimer nos compétences – nous savons moins que nous le croyons
–, et à parfois sous-estimer l’exactitude
de nos intuitions – nous sentons mieux que nous le croyons.
Y a-t-il un moyen d’améliorer ces
résultats ?
Oui d’abord en prenant son temps
avant de porter notre jugement. Comme quoi, l’expression « tourner sa
langue sept fois dans sa bouche avant de répondre » était fondée !
Oui surtout en se
testant systématiquement et en faisant porter son effort d’apprentissage sur les
items non-retenus.
Ce deuxième point
amène à souligner l’importance de la métacognition pour l’éducation et
l’auto-éducation. Ainsi la représentation, par l'élève, des connaissances qu'il
possède et de la façon dont il peut les améliorer est considéré, par certains pédagogues,
comme un élément essentiel de l’éducation :
- Comment as-tu
fait pour comprendre?
- Qu’est-ce que tu
ne sais pas? Comment peux-tu trouver l’information pertinente?
- Comment peux-tu
faire pour apprendre mieux?

Retour à
l’introspection : même très limitée, elle est réelle. Aussi d’où vient
notre sentiment de savoir ?
- La
familiarité : Il semble que nous sommes capables d’évaluer la familiarité
d’un problème, c’est-à-dire sa proximité par rapport à ce qui existe dans notre
mémoire. Ceci est vrai non seulement pour problèmes déjà traités, mais aussi
pour des problèmes nouveaux, qui ressemblent aux anciens. Rien ne nous dit que
nous allons trouver rapidement la solution, mais nous avons la conviction que
c’est possible.
- Les
fragments : Autre source, celle de l’accès à des informations partielles,
car la présence de fragments de souvenirs peut conduire au sentiment de savoir,
avec le risque que ces fragments ne soient en fait pas appropriés, et qu’alors
le sentiment de savoir soit erroné.
Finalement notre
capacité d’introspection est liée à cette évaluation de la mémoire –
familiarité du problème et accès à des fragments – et à ce qui se trouve
présentement dans notre espace de travail global.
Malheureusement
ceci reste doublement limité, car notre espace de travail est lent et sériel,
et surtout parce qu’il n’a pas accès aux traitements non-conscients. Notre
introspection ne sait pas plonger dans l’iceberg de nos connaissances. Pour
reprendre la terminologie développée par Jung, elle ne porte que sur le
« moi », et pas sur le « soi »…
Mais est-ce si vrai
et qu'en est-il des liens entre métacognition et conscience ?
(à suivre)
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