17 sept. 2012

LA TRIPLE TRANSFORMATION DU MONDE : CONVERGENCE, GLOBALISATION ET CONNEXION

Déplacer les inégalités ou les éradiquer ? (1)
Au cours du 4ème trimestre de l’année dernière, j’ai écrit plusieurs articles portant sur la situation à laquelle nous faisons face (1). Mon propos essentiel était qu’il ne s’agissait pas d’une crise, mais d’une transformation en profondeur du monde : parler de crise, c’est laisser penser que les problèmes actuels sont graves, mais transitoires, et que l’objectif est de revenir à un passé perdu. Je crois qu’une telle vision est une erreur profonde, car demain ne pourra être comme hier, ce sous l’effet de trois forces qui s’entremêlent :
1. La convergence des niveaux de vie entre les grands pays :
Nos problèmes économiques ne sont ni nés en 2008, ni d’abord issus d’une crise financière, mais sont les effets de la convergence, amorcée à partir des années 90 : les écarts entre nos pays et les pays ex-émergents, aujourd’hui largement émergés (Chine, Inde et Brésil) se réduisent rapidement, le revenu brut moyen d’un habitant de nos pays occidentaux étant passé de 60 à 9 fois celui d’un Chinois, de 70 à 30 fois d’un Indien, de 8 à 4 fois d‘un Brésilien.
J’y écrivais notamment : « Prenez deux bassins ayant des niveaux d’eau très différents, séparés par des vannes, et approvisionnés par un cours d’eau. Commencez à ouvrir un peu les vannes : les niveaux vont alors se mettre à converger. Tant que la fuite est inférieure à l’apport d’eau, les écarts entre les niveaux se réduisent, mais le niveau le plus élevé ne baisse pas, au contraire. Ouvrons davantage les vannes. À un moment donné, la fuite devient supérieure à l’apport, et alors, le niveau le plus élevé baisse. Cette baisse durera tant que les niveaux ne seront pas identiques. 
C’est très exactement ce qui nous arrive. La mondialisation a rendu communicante nos économies, et a amorcé la convergence, d’abord lentement, puis de plus en plus vite à partir des années 2000. Grâce à l’endettement, nous avons masqué un temps cette baisse, mais cela ne peut plus durer. Comme nous sommes encore en 2011, trente fois plus riche qu’un Indien, neuf fois qu’un Chinois et quatre fois qu’un Brésilien, la convergence n’est pas terminée, et va s’étaler sur les dix à vingt ans à venir… sans compter les dettes qu’il va nous falloir rembourser. »
2. La globalisation du système économique et productif :
Le système économique et industriel passe de la juxtaposition d’entreprises et d’usines, à un réseau global de plus en plus complexe : les entreprises tissent des réseaux denses entre elles, et entre leurs différents lieux de production. Chaque produit, chaque service, chaque transaction fait intervenir un nombre croissant de sous-produits, sous-services, sous-transactions. Impossible de démêler les fils de ce qui est devenu une toile planétaire.
Cet entremêlement contribue à l’accroissement de l’incertitude, par la propagation du moindre aléa :
- Autrefois le monde était cloisonné, et les incertitudes restaient locales : ce qui se passait à Pékin, Johannesburg ou Bombay, n’était imprévu que pour les habitants de ces villes et de ces pays, car, vu la vitesse de propagation de son effet, les autres avaient le temps de s’y préparer.
- Maintenant la planète vibre de façon quasi synchrone, et ce qui se passe en un lieu, a des effets immédiatement de partout : nous sommes soumis à toutes les incertitudes. Un nuage de poussières issu d’un volcan islandais perturbe tout de suite une bonne partie de l’économie mondiale…
3. L’émergence d’une humanité d’individus connectés :
L’humanité passe d’une juxtaposition d’individus et d’appartenances, à un réseau global et de plus en plus complexe : sous l’effet cumulé de la croissance de la population, de la multiplication des transports et du développement d’internet, les relations entre les hommes se tissent finement. Les pensées et les actions rebondissent d’un bout de la planète à l’autre, des intelligences collectives apparaissent.
Comme Michel Serres l’a écrit dans le Temps des Crises, « le connectif remplace le collectif ». Dans une conférence tenue le 31 janvier 2011, il insistait sur les conséquences de a disparition d’individus spatialisés : « On est dans un nouvel espace topologique où on est tous voisins. Les nouvelles technologies n’ont pas raccourci les distances, il n’y a plus de distance du tout. (…) C’est l’adresse qui nous relie au politique. Donc ce ne peut plus être le même droit et la même politique, car ils étaient bâtis sur là où on habitait. (…) Nous habitons un nouvel espace, et comme il est nouveau, c’est un espace de non-droit. (…) Robin des bois : Robin vient de Robe, c’est l’homme de loi, l’homme de droit. Il habite la forêt de Sherwood qui est un espace de non-droit dont il construit le droit. Nous avons besoin de nouveaux Robins des bois. »
Un an s’est donc écoulé depuis lors, et rien ne m’amène à revoir mon propos. Au contraire, les malentendus me semblent perdurer…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

article intéressant

pouvez-vous me contacter à vivien_fr à orange.fr

(ne pas publier)

cordialement