6 sept. 2012

NOUS NE VOYONS PAS CE QUE REGARDENT NOS YEUX

Tout est traité et retraité, rien n’est naturel (Neurosciences 24)
Donc souvent nous nous trompons dans nos calculs, et ce qui nous paraît le plus vraisemblable, ne l’est pas toujours. Mais pour la vision, cette action tellement plus simple, notre taux d’erreur est certainement plus faible. Certes, certes, quoique…
Qu’est-ce que voir ? Est-ce seulement photographier ce qui nous entoure ? Non, c’est beaucoup plus que cela : c’est extraire le sens de ce qui nous entoure :
-        Le sens immédiat : être capable de séparer les objets les uns des autres, savoir ce qui est devant ou derrière, imaginer les parties cachées pour se faire une idée de l’objet en entier…
-        Les mouvements : construire des continuités entre des images successives pour calculer les trajectoires, comprendre les mouvements, identifier les risques potentiels…
-        Les sens cachés : interpréter les données pour chercher à comprendre ce qui a pu les provoquer, ce que les autres ont pu voir, comprendre ce qui peut provoquer un mouvement…
Donc sans que nous en rendions nécessairement compte, nous ne regardons jamais une image brute, mais une image traitée par notre cerveau, chargée d’un ensemble d’interprétations tirées de tout ce qui est présent dans l’image, et de tout ce que nous avons appris, notre expérience, notre mémoire, nos métarègles…
Notre cerveau cherche à trouver ce qui lui semble le plus plausible, compte-tenu de tout cela, il fait là encore des inférences bayésiennes. Et ce qui ne lui semble pas plausible, il ne le transmet pas, et donc, littéralement, nous ne le voyons pas ! Ainsi, si, dans ce qui nous entourent quelque chose ne rentre pas dans les inférences retenues, il est gommé, et n’existe pas pour nous…
Ces interprétations amènent aussi à déformer le réel :
-        Prenez deux barres de même longueur, l’une verticale, l’autre horizontale. Celle qui est verticale va vous sembler plus longue – vous la voyez plus longue -, car, comme vous avez expérimenté la perspective, votre cerveau apporte une correction de longueur, en interprétant la verticale comme étant une perspective.
-       Si vous regardez un morceau en mouvement au travers d’une petite ouverture, quand bien même vous ne sauriez pas quelle peut être la forme totale masquée, vous ne pourrez pas ne pas l’imaginer à partir du peu que vous en avez vu. Et si le déplacement est ambigu, plutôt que de vous restituer l’ambiguïté, vous aurez la certitude d’avoir vu un mouvement donné.
Ainsi notre perception ne nous restitue pas tout ce qui nous entoure, mais juste un échantillon, en plus interprété, et toutes les ambiguïtés ont été effacées : notre cerveau nous laisse à voir un monde certain et net.
Un peu comme si, plutôt que de regarder les photos que vous venez de prendre avec votre appareil photo, vous leur fassiez subir une traitement numérique pour enlever tout le flou, retirer les images que vous jugez parasites, améliorer la définition… Ensuite vous compléteriez avec un logiciel ad hoc l’image pour les parties cachées. Enfin vous colleriez sur chaque objet, son nom, d’où il vient, où il va…
Voilà nos neurones devenus un super Photoshop qui traite en continu le monde qui nous entoure… mais sans nous prévenir et sans nous laisser accès à l’information d’origine.
(à suivre)

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