6 déc. 2013

MÉMOIRES AFRICAINES

A Dakar
Dans ce matin qui suit la mort de Nelson Mandela, arrêt pour quelques lignes au Sénégal, et des souvenirs réinventés à partir de séjours passés...

Face à face étrange au marché artisanal de Dakar entre un Sénégalais et un colon noir. Est-il comme moi surpris de la couleur de peau de ce visage de bois qui le dévisage ?
Habituellement les colons, copies verticalement étirées de nos ancêtres colonisateurs, arborent la blancheur qui les distinguent et les affirment comme faisant partie des maîtres d’alors.
Est-ce pour se moquer ? Pour préfigurer une décolonisation à venir ? Pour singer des ministres en place ?
Ni moi, ni lui ne semblent savoir…
Les allées de Provence sont jalonnées de platanes qui rythment les perspectives, et apportent une ombre rafraichissante.
Les allées de l’île de Gorée sont, elles, jalonnées de baobabs dont les proportions ramènent nos plantations à l’échelle de bonzaïs.
Mais d’ombre ici point, la chaleur est trop forte et l’eau trop rare, pour que de feuilles, les baobabs se parent. Ils en arborent bien quelques unes, mais c’est juste pour montrer que s’ils voulaient, ils pourraient.
Toute l’eau qu’ils arrachent péniblement dans les profondeurs du sol, ils doivent la conserver le plus longtemps possible dans les profondeurs de leurs écorces, et certainement pas se risquer à la gaspiller.
A quoi bon fournir de l’ombre ici…
Assis sur un rebord, je regarde le paysage calme et serein du bord de mer de Gorée. A quelques kilomètres, Dakar. Mais rien de la ville ne transparaît.
Songeur, je pense à ces bateaux qui, il y a quelques siècles, partaient chargés d’esclaves, arrachés aux profondeurs de l’Afrique.
Rien de cette violence passée ne transparaît ici.
Au contraire ce sont les mots de Baudelaire qui me viennent : « Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. ».
Mais ce devrait plutôt être ceux d’Apollinaire : « coule la Seine et nos amours. Faut-il qu’il m’en souvienne. La joie venait toujours après la peine »…

Aucun commentaire: