25 avr. 2016

CROIRE QU’UNE RÉMUNÉRATION EST LE REFLET DE LA PRODUCTIVITÉ

Tous rentiers : Cinq idées reçues à combattre pour avoir une chance d’agir juste (1)
On parle souvent d’une classe politique hors sol et de propositions déconnectées de la réalité. Une des raisons en est souvent des raisonnements qui, au lieu de partir du réel, reposent sur des lieux communs qui sont autant d’idées reçues erronées.
De ce point de vue, le dernier livre « Tous rentiers ! » de Philippe Askenazy est plus que salutaire, car il nous amène à revisiter précisément quelques lieux communs, source d’autant d’erreurs.
Cinq me semblent essentiels.
Commençons par la liaison entre rémunération et productivité
D’aucuns pensent qu’il y a un lien direct entre la productivité d’un métier et la rémunération correspondante. En fait, non, car le niveau d’une rémunération se corrèle d’abord à la capacité ou non de bénéficier d’un rapport de force favorable.
Quelques exemples tirés du livre, Tous rentiers ! : comment expliquer autrement qu’un pharmacien français gagne trois fois plus que son homologue anglais, ou qu’un conducteur du métro new-yorkais le double de son alter ego parisien ? Ou encore pour rester dans la même catégorie, qu’un conducteur londonien ait une rémunération de 50% supérieure à un pharmacien de la même ville ?
Autre absurdité d’un calcul à partir de la productivité apparente : « La valeur ajoutée apparente d’un psychanalyste est égale à la somme des paiements des clients, diminuée de quelques consommations intermédiaires (électricité, ménage…) : si le psychanalyste augmente le prix de sa consultation, donc sa rémunération, on observera que sa productivité apparente progresse. ».
Je corrèle ceci à l’absurdité de la mesure de la performance de l’économie à partir de l’évolution du PIB : le développement de tâches inutiles ou la destruction de biens existants pour leur remplacement à l’identique font progresser le PIB, alors que la meilleure utilisation de biens existants – comme par exemple le partage des voitures particulières ou de logements inoccupés – a un effet négatif. 
Une étude de McKinsey qui vient de paraître, montre aussi que les développements couplés du numérique et de l’impression 3D font diminuer le transfert de produits au profit de celui de data.
C’est ainsi que la plupart des économistes en arrivent à dire que la révolution numérique en cours ne crée pas de croissance, sans se rendre compte que c’est leur outil de mesure qui est déficient. 
Autre remarque de Philippe Askenazy : l’amélioration de la qualité n’est pas prise en compte dans les calculs : faire bien ou mal son travail n’est pas mesuré. Il le complète avec l’exemple d’un hôtel où l’on a changé les matelas, agrandi les chambres et construit une piscine : analyser la variation de prix en considérant que c’est la même prestation est faux.
Une conclusion à retenir en synthèse de tout cela : attention aux calculs mathématiques, car le réel ne se met pas en équation !
Ainsi que j’ai eu l’occasion de l’écrire dans mon dernier livre, "2017 : Le réveil citoyen" : « il est pertinent de multiplier et additionner pour calculer le coût de la trousse d’un élève, mais absurde pour savoir comment s’en servir. Pertinent pour évaluer le niveau de dépenses de l’État et des prélèvements publics, ou la part restant disponible pour les ménages et les entreprises, mais absurde pour en simuler les effets sur l’économie. »
(à suivre)

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