11 avr. 2016

QUALITÉ DE VIE, ESPÉRANCE DE VIE ET POUVOIR D’ACHAT

The Great escape – patchwork (1)
Tirant son titre du célèbre film, le livre d’Angus Deaton, prix Nobel d’économie 2015, est le récit de la vraie « Grande évasion », celle de l’humanité face à la privation et à la mort. Où en sommes-nous et quelles sont les inégalités en matière de bien-être et santé ? Comment comparer les situations entre les pays ? Quelles sont les politiques qui ont été menées et ont-elles été efficaces ?
Ceci n’est pas un résumé de ce livre, mais un patchwork personnel, construit autour de ce qui m’a le plus frappé.
Forte corrélation d’abord entre qualité de vie (1), espérance de vie et pouvoir d’achat : dans les deux cas, on observe un lien direct avec le niveau de revenu par habitant d’un pays ("GDP per capita"), et une corrélation quasiment linéaire (2). Une démonstration de l’exactitude du proverbe qui affirme que « si l’argent ne fait pas le bonheur, elle y contribue » ! 
Quelques pays surperforment en matière de qualité de vie comme le Danemark, à l’inverse d’autres comme le Japon ou la Bulgarie. Notons aussi le décrochage de la durée de vie au Nigéria, Angola et Afrique du Sud où les ravages du sida se font sentir…
Pourquoi un telle proximité entre espérance de vie et qualité de vie : l’hypothèse est que bien vivre dans un pays, c’est d’abord pouvoir y vivre longtemps. Première inégalité majeure donc : selon le pays où l’on naît, on vivra plus ou moins longtemps.
Changeons maintenant la question et au lieu de demander une appréciation sur la qualité de vie, posons une question plus personnelle sur les émotions positives ou négatives éprouvées la veille. Cette fois, la dispersion est beaucoup plus forte et la corrélation avec le niveau de revenu moins nette. Les Danois ou les Italiens se déclarent cette fois nettement moins heureux, alors que des pays comme le Bangladesh ou le Népal le deviennent. Où l’on voit donc que la contribution de l’argent au bonheur n’est pas si nette !
Faisons enfin attention à ne pas tirer des conclusions trop hâtives de toutes ces comparaisons et ces jugements apparemment objectifs : tout repose sur la capacité à comparer les niveaux de revenus entre pays. Or comment savoir quelle est la valeur d’un dollar entre des pays aussi dissemblables ? 
Déjà que ce n’est pas si facile à faire entre des pays apparemment proches comme l’Europe et les États-Unis, comment le faire avec l’Afrique, l’Amérique du Sud ou l’Asie ? 
Premier exemple : « Un des produits de base pour un Britannique est la pâte à tartiner Marmite. Chez eux, c’est bon marché et tout le monde l’achète. Aux États-Unis, Marmite est disponible, mais cher (…) Si nous comparons les prix entre les deux pays à partir de Marmite, nous allons conclure que les USA sont un pays très cher. Si nous regardons maintenant les prix relatifs de biens très courants aux USA – comme par exemple les crackers Graham ou le bourbon qui sont rares et chers en Grande Bretagne –, alors ce sera la Grande Bretagne qui deviendra un pays cher. ».
Autre exemple : « Compte-tenu de l’incertitude de 25 % sur la parité en pouvoir d’achat ("PPP"), nous pouvons dire seulement que le pouvoir d’achat d’un Chinois converti en dollars se situe en 2011 entre 13 et 22 % de celui d’un Américain. La puissance économique totale de la Chine se situe elle quelque part entre 56 et 94 % de celle des États-Unis. ».
Difficile de s’y retrouver : attention à un excès de mathématiques, et surtout à tous les raisonnements basés sur des décimales !
(à suivre)
(1) Évaluée à partir d’une question posée aux habitants : quelle est leur qualité de vie ressentie sur une échelle de 1 à 10 (de la pire à la meilleure vie)
(2) En échelle logarithmique, c’est-à-dire qu’à chaque graduation, la valeur est doublée, ou, formulé autrement, cela signifie que plus le revenu augmente, plus la variation doit être importante pour obtenir le même effet.

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