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27 juin 2018

LE CHANGEMENT DÉTRUIT, LA TRANSFORMATION ÉNERGISE

Qui voudrait changer d’enfants ? 
Parfois, pour une désobéissance de trop, une remarque de plus ou un moment de fatigue, nous pouvons avoir envie de changer nos enfants. 
Mais bien vite, au contraire, pour rien au monde, nous ne voudrions les perdre. Ils sont ce qui nous est le plus cher, la chair de notre chair comme on a l’habitude de le dire. 
Donc pas question d’en changer : qui accepterait une forme de loterie qui viendrait tous les ans ou à des échéances plus espacées, nous proposer une nouvelle progéniture ?
Non, ces enfants, nous les avons vu naître, apprendre à parler et à marcher, passer au travers de leur adolescence, émerger petit à petit en tant qu’adultes, prenant progressivement leur autonomie. Nous les connaissons, ils nous connaissent, et le temps de la vie a tissé entre eux et nous, mille liens qui, bien au-delà du seul lien biologique, nous articulent les uns avec les autres.
Cette codépendance est née d’une transformation permanente et continue : nous ne sommes plus les adultes qui les avons mis au monde, ils ne sont plus les nouveaux-nés qui étaient apparus un jour. Tout au long des minutes, des heures, des jours et des années qui se sont écoulées, nous avons évolué ensemble et séparément. Et si l’un et l’autre, nous sommes attachés ensemble, ce n’est pas au souvenir de celui qui n’est plus que nous sommes attachés, mais bien à cet être présent, si différent de celui qui était, que nous le sommes.
Ainsi l’amour filial et paternel est-il le fruit d’un mouvement, d’une transformation permanente et continue, et en même temps le refus d’un changement : nous n’accepterions pas l’idée d’avoir d’autres enfants, mais non plus qu’ils soient restées les bébés qu’ils étaient. 
Goût de la transformation, refus du changement. Force de la vie, crainte de la perte.
Faut-il dès lors s’étonner que, dans notre vie professionnelle, nous rencontrions une telle opposition au changement ? N’est-il pas logique là aussi de constater que les changements sont vécus comme des pertes et des abandons ? Pourquoi vouloir imposer comme critère de performance, ce que nous fuyons dans notre vie quotidienne ? 
Ne faudrait-il pas éviter le changement, c’est-à-dire la rupture, pour privilégier la transformation, c’est-à-dire l’évolution lente et imperceptible ?
Je crois donc que l’on a fait fausse route – et qu’on le fait encore trop souvent –, quand on promeut le changement permanent dans les entreprises.
Comme je l’ai déjà souvent écrit, le bon fonctionnement des organisations et des relations entre les hommes et les femmes qui les composent, suppose :
-        une connaissance intime du rôle de chacun, de celui des autres et de ce qui est visé,
-        une complexité croissante des processus et des systèmes qui sous-tendent et facilitent les actions humaines,
-        une reconnaissance par les tiers extérieurs à l’entreprise, qu’ils soient clients, fournisseurs ou compétiteurs.
Si l’on change souvent les organisations ou les objectifs poursuivis – les mers visées pour reprendre ma terminologie –, on ne pourra pas construire une réelle efficacité, et les hommes ou les femmes ne pourront adhérer, ni comprendre à ce qui n’est pour eux qu’une perte ou un abandon, celle des enfants qu’ils avaient adoptés et dont ils se souviennent.
A l’inverse, si chaque jour, l’entreprise ciselle son organisation, affine sa stratégie, et optimise un peu plus chacun de ses actes, si elle se transforme continûment, les hommes et les femmes qui la composent s’investiront progressivement davantage dans ce qu’ils vivront comme un processus vivant et enrichissant.

6 janv. 2016

« LE CHANGEMENT SE SUFFIT À LUI-MÊME, IL EST L’ÉTOFFE MÊME DU MOI ET DU MONDE »

Patchwork tiré de « Leçon sur la perception du changement de Henri Bergson par Jacques Ricot »

Sur le mouvement et le changement…
« A vrai dire, il n'y a jamais d'immobilité véritable, si nous entendons par là une absence de mouvement. Le mouvement est la réalité même, et ce que nous appelons immobilité est un certain état de choses analogue à ce qui se produit quand deux trains marchent à la même vitesse, dans le même sens, sur deux voies parallèles : chacun des deux trains est alors immobile pour les voyageurs assis dans l'autre. »
« Mais de quel droit avons-nous confondu le mouvement et l'espace qu'il parcourt ?... L'objet n'est pas un point, il y passe… L'immobilité n'est qu'une illusion spéculative née des besoins de la vie usuelle… Et, d'un but atteint à un autre but atteint, d'un repos à un repos, notre activité se transporte par une série de bonds, pendant lesquels notre conscience se détourne le plus possible du mouvement s'accomplissant pour ne regarder que l'image anticipée du mouvement accompli … Notre intelligence pense toujours en vue de l'action et c'est pourquoi elle doit prendre des vues stables sur le mouvant… Et la distance infranchissable qui sépare l'immobilité de la mobilité est de même nature que celle qui différencie les lettres de l'alphabet de la signification d'un poème. »

Sur la vue et l'ouïe…
« Écoutons une mélodie en nous laissant bercer par elle : n'avons-nous pas la perception nette d'un mouvement qui n'est pas attaché à un mobile, d'un changement sans que rien qui change ? Ce changement se suffit, il est la chose même… Sans doute nous avons une tendance à la diviser et à nous représenter, au lieu de la continuité ininterrompue de la mélodie, la juxtaposition de notes distinctes (…) parce que notre perception auditive a pris l'habitude de s'imprégner d'images visuelles… Faisons abstraction de ces images spatiales : il reste le changement pur, se suffisant à lui-même, nullement divisé, nullement attaché à une « chose » qui change… La vue est le sens de l'espace, l'ouïe est le sens du temps… Ainsi la page d'un livre est-elle composée d'un arrangement de lettres et de mots que l'on peut parcourir plusieurs fois et sur lesquels ont peut revenir… Par l'oreille, nous vivons au rythme de l'écoulement temporel et le champ auditif est celui de l'enchaînement inéluctable de sons que nous ne pouvons aménager à notre guide, car la propriété essentielle du temps est l'irréversibilité.»

Sur le moi et l'identité… 
« Mais nulle part la substantialité du changement n'est aussi visible, aussi palpable, que dans le domaine de la vie intérieure. Les difficultés et contradictions de tout genre auxquelles ont abouti les théories de la personnalité viennent de ce que l'on s'est représenté, d'une part, une série d'états psychologiques distincts, chacun invariable, qui produiraient les variations du moi par leur succession même, et d'autre part un moi, non moins invariable, qui leur servirait de support… Il y a simplement la mélodie continue de notre vie intérieure, - une mélodie qui se poursuit et se poursuivra, du commencement à la fin de notre existence consciente. Notre personnalité est cela même… : La personnalité est tout entière dans la continuité mouvante et indivisible de la vie intérieure. Et c'est dans cette continuité que réside la substance du moi. »

Sur la conscience, le passé et le présent…
« Notre conscience nous dit que, lorsque nous parlons du présent, c'est à un certain intervalle de durée que nous pensons. Quelle durée ? Impossible de la fixer exactement ; c'st quelque chose d'assez flottant… En un mot, notre présent tombe dans le passé quand nous cessons de lui attribuer un intérêt actuel… Le passé est très exactement ce que l'attention ne tient plus sous son regard. »
« Le passé se conserve de lui-même, automatiquement… Ces faits, avec beaucoup d'autres, concourent à prouver que le cerveau sert ici à choisir dans le passé, à le diminuer, à le simplifier, à l'utiliser, mais non pas à le conserver… Mais cette opération n'appartient pas à la conscience, c'est la nature qui a inventé ce mécanisme, le cerveau, chargé de filtrer le passé. Le cerveau élimine le passé inutile à l'action pour ne retenir que ce qui peut servir le moment présent. ».

Sur ce qui existe vraiment…
« Il suffit d'être convaincu une fois pour toutes que la réalité est changement, que le changement est indivisible, et que, dans un changement indivisible, le passé fait corps avec le présent. »
« L'idée de détermination nécessaire perd toute espèce de signification, puisque le passé y fait corps avec le présent et crée sans cesse avec lui – ne fut-ce que par le fait de s'y ajouter – quelque chose d'absolument nouveau… Dans une situation analogue à celle des deux trains (…), c'est un certain réglage de la mobilité sur la mobilité qui produit l'effet de l'immobilité. »

22 juil. 2015

NON AU CHANGEMENT, OUI À LA TRANSFORMATION

Grandir sans changer
Imaginez que vous demandiez à un couple qui a des enfants, s’il veut en changer, et en avoir de nouveaux. Même si parfois ils sont fatigués des tours que peut leur jouer leur progéniture, ils vont vous regarder avec des yeux effarés. Et pourtant ces enfants, qu’ils ne veulent surtout voir être changés, se transforment et grandissent sans cesse : chaque matin, ils sont légèrement différents, et des années plus tard, devenus adultes, ils ressembleront bien peu aux enfants qu’ils étaient. Ils sont toujours eux-mêmes, transformés mais pas changés.
Quand un dirigeant demande aux personnes dans l’entreprise de changer, il commet la même erreur : personne n’a ni envie, ni n’est prêt à changer… mais tout le monde est prêt à accepter de grandir et de se transformer.
D’ailleurs, contrairement à l’idée reçue, moins on change, mieux on se porte : la performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire un avantage concurrentiel durable et réel. En effet l’excès de réactivité conduit au zapping et à la destruction de valeur : les nouveaux produits mettent du temps à s’installer sur un marché, et être connus par les clients ; une nouvelle organisation n’est pas mise en œuvre immédiatement, et, au départ, déstabilise les modes de fonctionnement ; un nouveau système d’information, même s’il est justifié, plus performant et mieux adapté, n’est ni correctement utilisé, ni compris du jour au lendemain…
La transformation est, elle, une adaptation lente et continue, respectueuse du temps et de l’histoire, et ne crée pas de ruptures. Elle forme et déforme, comme le flux d’un fleuve.

22 oct. 2014

COMMENT CONCRÈTEMENT DÉCLENCHER LE CHANGEMENT EN FRANCE ?

Vidéo sur Caféine TV (4)
Comment arriver à sortir de la complexité multidimensionnelle pour effectivement déclencher le changement dans un pays comme la France ?

7 avr. 2014

GRANDIR SANS CHANGER

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension – Vidéo 3
Contrairement à l'idée reçue, moins on change, mieux on se porte : la performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire un avantage concurrentiel durable et réel. En effet l'excès de réactivité conduit au zapping et à la destruction de valeur. La transformation est, elle, une adaptation lente et continue, respectueuse du temps et de l'histoire, et ne crée pas de ruptures. Elle forme et déforme, comme le flux d'un fleuve.

3 avr. 2014

NON AU ZAPPING, OUI AU CALME

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (8)
Dans le bruit constant, il n’est ni facile, ni spontané de rester centré sur ses choix et son objectif. (…)
Je crois donc personnellement qu’il est urgent d’affirmer que :
- La performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire mondialement un avantage concurrentiel durable et réel,
- La transformation est croissance, alors que le changement est destruction. Il est parfois un mal nécessaire, mais à petite dose – comme ces poisons qui autrement tuent…–, la réactivité conduisant au zapping et à la perte de valeur.
- L’urgence est une maladie collective à laquelle il faut résister, pour, au contraire, décider le plus tard possible, car toute décision est la fermeture d’options. L’anticipation est faite pour apporter de la stabilité, et non pas une remise en cause perpétuelle et contre-productive. Précédemment j’évoquais l’importance de la paresse vertueuse, celle de celui qui ne se laisse pas embarquer par le rythme artificiel du bruit ambiant. Savoir garder son tempo, ne pas confondre course avec performance. Le dirigeant n’est pas là pour précipiter les choses, mais diffuser le bon rythme, apporter de la sérénité.
(…) Le rôle d’un dirigeant n’est pas de diffuser des peurs et des inquiétudes, car elles sont déjà là. Inutile de dire que, derrière le bruit dans les feuilles, il y a des tigres, tout le monde le sait et y pense déjà.
Non, il est d’apporter de la stabilité et de la confiance. Pas une confiance aveugle et stupide, bien sûr. Non, la confiance couplée avec la confrontation : confiance en soi et en les autres, confrontation à l’intérieur de l’entreprise et avec l’extérieur. 
Calmement et fermement…


(extrait des Radeaux de feu)

2 avr. 2014

NON AU CHANGEMENT, OUI À LA TRANSFORMATION

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (7)
Imaginez que vous demandiez à un couple qui a des enfants, s’il veut en changer, et en avoir de nouveaux. Même si parfois ils sont fatigués des tours que peut leur jouer leur progéniture, ils vont vous regarder avec des yeux effarés. Et pourtant ces enfants, qu’ils ne veulent surtout voir être changés, se transforment et grandissent sans cesse : chaque matin, ils sont légèrement différents, et des années plus tard, devenus adultes, ils ressembleront bien peu aux enfants qu’ils étaient. Ils sont toujours eux-mêmes, transformés mais pas changés.
Quand un dirigeant demande aux personnes dans l’entreprise de changer, il commet la même erreur : personne n’a ni envie, ni n’est prêt à changer… mais tout le monde est prêt à accepter de grandir et de se transformer.
D’ailleurs, contrairement à l’idée reçue, moins on change, mieux on se porte : la performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire un avantage concurrentiel durable et réel. En effet l’excès de réactivité conduit au zapping et à la destruction de valeur : les nouveaux produits mettent du temps à s’installer sur un marché, et être connus par les clients ; une nouvelle organisation n’est pas mise en œuvre immédiatement, et, au départ, déstabilise les modes de fonctionnement ; un nouveau système d’information, même s’il est justifié, plus performant et mieux adapté, n’est ni correctement utilisé, ni compris du jour au lendemain…
La transformation est, elle, une adaptation lente et continue, respectueuse du temps et de l’histoire, et ne crée pas de ruptures. Elle forme et déforme, comme le flux d’un fleuve.

27 janv. 2014

SEULS DES HOMMES NOUVEAUX POURRONT GÉNÉRER LE SURSAUT NÉCESSAIRE

La transformation de la France suppose une compréhension profonde et intime de la mondialisation en  cours
Il y a un peu plus de deux ans, je publiais un article « Non, le futur n’est pas la reproduction du passé en pire » qui en appelait, quelques mois avant l’élection présidentielle, à la prise de conscience que notre futur en France était largement entre nos mains.
L’essentiel de mon propos était de m’attaquer d’abord au mot même de crise, qui masquait le fait que ce que nous vivions était un processus de transformation, et qu’il était illusoire et dangereux de croire qu’il serait transitoire, et qu’il était possible de revenir à un passé, largement d’ailleurs enjolivé et réinventé.
Cette passage à ce que j’appelle le Neuromonde, repose sur trois moteurs qui se complètent et se renforcent :
- Les niveaux et le mode de vie convergent entre tous les pays,
- Le système économique et industriel passe de la juxtaposition d’entreprises et d’usines, à un réseau global et de plus en plus complexe,
- L’humanité passe d’une juxtaposition d’individus et d’appartenances, à, elle-aussi, un réseau global et de plus en plus complexe
Dès lors raisonner à partir des anciennes logiques, ou attendre que tout se règle de soi-même sont toutes deux dangereuses, ce d’autant plus que de nouveaux défis apparaissent :
- Quelle est la place d’un individu et quelle sera sa liberté dans un monde de réseaux ?
- Comment ne pas remplacer les inégalités entre pays, par des inégalités pires à l’intérieur de chaque pays ?
- Comment ne pas accélérer la consommation de notre planète ?
- Et enfin, quelles structures politiques pour ce Neuromonde ?
Je terminais mon article par un appel à la compréhension que ce Neuromonde était certes nouveau et incertain, mais qu’il était porteur de nouvelles richesses, et qu’il était de la responsabilité des politiques, et singulièrement de ceux qui voulaient devenir Président, d’expliquer que la France, forte de son passé et de tout son capital accumulé, avait les ressources de faire face à ce défi, ce sous deux conditions :
- Avoir confiance en un futur meilleur et mobilisateur,
- Développer une politique de solidarité pour que ce ne soit pas les plus faibles qui pâtissent des changements en cours
Qu’en est-il donc plus de deux plus tard ?
Malheureusement peu de chemin a été parcouru, et l’élection présidentielle française de 2012 n’a pas été – c’est un euphémisme… -  l’occasion de cette prise de conscience.
Le seul progrès que je vois, et il est essentiel, est que tout un chacun comprend de plus en plus que la crise n’est pas un phénomène transitoire, mais bel et bien une transformation.
Par contre, je vois peu de responsables capables de se projeter en exprimant une vision et en étant des catalyseurs de confiance. Pourtant comment croire que tout un chacun se mobilisera, s’il continue de penser que les sacrifices d’aujourd’hui ne conduiront qu’à un futur pire que le présent ?
De même, les égoïsmes sont aussi largement omniprésents, chacun se crispe sur ses acquis, et ceux qui sont en situation de le faire, cherchent le plus souvent à accroître puissance et avantages.
Peu de raison apparemment d’être optimiste.
Mais cette étape était probablement encore nécessaire, et la France semble d’être enfin en train de se réveiller. Il est temps, et il devient urgent de sortir de notre dépression collective.
Il est temps aussi que nous apprenions à arrêter de gaspiller les ressources qui sont les nôtres :
- Nous ne devons plus continuer à accepter d’avoir des structures politiques et administratives qui se chevauchent, se bloquent mutuellement, et in fine, détruisent de la valeur en augmentant sans cesse les prélèvements publics sans contrepartie réelle,
- Nous devons réapprendre à élaborer des solutions plus spartiates et plus économiques, car nous n’avons plus les moyens de dépenser inutilement
Croire que ce sursaut viendra des hommes politiques actuels, ce quel que soit leur bord politique, est illusoire. Ils sont trop issus du système actuel, ont une trop faible compréhension et pratique de la dimension mondiale de la transformation, et finalement trop à perdre, eux-mêmes, pour cela.
Seuls des hommes nouveaux peuvent et pourront générer ce sursaut. C’est donc de ce côté qu’il faut maintenant tourner ses regards, et commencer à agir.
À chacun de se lever. Nous sommes tous des citoyens, et la France sera ce que nous en ferons.

1 janv. 2013

LE CHANGEMENT DÉTRUIT, LA TRANSFORMATION ÉNERGISE

Qui voudrait changer d’enfants ?  (BEST OF  - paru le 10 octobre 2012)
Parfois, pour une désobéissance de trop, une remarque de plus ou un moment de fatigue, nous pouvons avoir envie de changer nos enfants. Mais bien vite, au contraire, pour rien au monde, nous ne voudrions les perdre. Ils sont ce qui nous est le plus cher, la chair de notre chair comme on a l’habitude de le dire. Donc pas question d’en changer : qui accepterait une forme de loterie qui viendrait tous les ans ou à des échéances plus espacées, nous proposer une nouvelle progéniture ?
Non, ces enfants, nous les avons vu naître, apprendre à parler et à marcher, passer au travers de leur enfance et leur adolescence, émerger petit à petit en tant qu’adultes, prenant progressivement leur autonomie. Nous les connaissons, ils nous connaissent, et le temps de la vie a tissé entre eux et nous, mille liens qui, bien au-delà du seul lien biologique, nous articulent les uns avec les autres.
Cette codépendance est née d’une transformation permanente et continue : nous ne sommes plus les adultes qui les avons mis au monde, ils ne sont plus les nouveaux-nés qui étaient apparus un jour. Tout au long des minutes, des heures, des jours et des années qui se sont écoulées, nous avons évolué ensemble et séparément. Et si l’un et l’autre, nous sommes attachés ensemble, ce n’est pas au souvenir de celui qui n’est plus que nous sommes attachés, mais bien à cet être présent, si différent de celui qui était, que nous le sommes.
Ainsi l’amour filial et paternel est-il le fruit d’un mouvement, d’une transformation permanente et continue, et en même temps le refus d’un changement : nous n’accepterions pas l’idée d’avoir d’autres enfants, mais non plus qu’ils soient restées les bébés qu’ils étaient. Goût de la transformation, refus du changement. Force de la vie, crainte de la perte.
Faut-il dès lors s’étonner que, dans notre vie professionnelle, nous rencontrions une telle opposition au changement ? N’est-il pas logique là aussi de constater que les changements sont vécus comme des pertes et des abandons ? Pourquoi vouloir imposer comme critère de performance, ce que nous fuyons dans notre vie quotidienne ? Ne faudrait-il pas éviter le changement, c’est-à-dire la rupture, pour privilégier la transformation, c’est-à-dire l’évolution lente et imperceptible ?
Je crois donc que l’on a fait fausse route – et qu’on le fait encore trop souvent –, quand on promeut le changement permanent dans les entreprises.
Comme je l’ai déjà souvent écrit, le bon fonctionnement des organisations et des relations entre les hommes et les femmes qui les composent, suppose :
-        une connaissance intime du rôle de chacun, de celui des autres et de ce qui est visé,
-        une complexité croissante des processus et des systèmes qui sous-tendent et facilitent les actions humaines,
-        une reconnaissance par les tiers extérieurs à l’entreprise, qu’ils soient clients, fournisseurs ou compétiteurs.
Si l’on change souvent les organisations ou les objectifs poursuivis – les mers visés pour reprendre ma terminologie –, on ne pourra pas construire une réelle efficacité, et les hommes ou les femmes ne pourront adhérer, ni comprendre à ce qui n’est pour eux qu’une perte ou un abandon, celle des enfants qu’ils avaient adoptés et dont ils se souviennent.
A l’inverse, si chaque jour, l’entreprise ciselle son organisation, affine sa stratégie, et optimise un peu plus chacun de ses actes, elle se transforme continûment, et les hommes et les femmes qui la composent s’investiront progressivement davantage dans ce qu’ils vivront comme un processus vivant et enrichissant.

10 oct. 2012

LE CHANGEMENT DÉTRUIT, LA TRANSFORMATION ÉNERGISE

Qui voudrait changer d’enfants ?
Parfois, pour une désobéissance de trop, une remarque de plus ou un moment de fatigue, nous pouvons avoir envie de changer nos enfants. Mais bien vite, au contraire, pour rien au monde, nous ne voudrions les perdre. Ils sont ce qui nous est le plus cher, la chair de notre chair comme on a l’habitude de le dire. Donc pas question d’en changer : qui accepterait une forme de loterie qui viendrait tous les ans ou à des échéances plus espacées, nous proposer une nouvelle progéniture ?
Non, ces enfants, nous les avons vu naître, apprendre à parler et à marcher, passer au travers de leur enfance et leur adolescence, émerger petit à petit en tant qu’adultes, prenant progressivement leur autonomie. Nous les connaissons, ils nous connaissent, et le temps de la vie a tissé entre eux et nous, mille liens qui, bien au-delà du seul lien biologique, nous articulent les uns avec les autres.
Cette codépendance est née d’une transformation permanente et continue : nous ne sommes plus les adultes qui les avons mis au monde, ils ne sont plus les nouveaux-nés qui étaient apparus un jour. Tout au long des minutes, des heures, des jours et des années qui se sont écoulées, nous avons évolué ensemble et séparément. Et si l’un et l’autre, nous sommes attachés ensemble, ce n’est pas au souvenir de celui qui n’est plus que nous sommes attachés, mais bien à cet être présent, si différent de celui qui était, que nous le sommes.
Ainsi l’amour filial et paternel est-il le fruit d’un mouvement, d’une transformation permanente et continue, et en même temps le refus d’un changement : nous n’accepterions pas l’idée d’avoir d’autres enfants, mais non plus qu’ils soient restées les bébés qu’ils étaient. Goût de la transformation, refus du changement. Force de la vie, crainte de la perte.
Faut-il dès lors s’étonner que, dans notre vie professionnelle, nous rencontrions une telle opposition au changement ? N’est-il pas logique là aussi de constater que les changements sont vécus comme des pertes et des abandons ? Pourquoi vouloir imposer comme critère de performance, ce que nous fuyons dans notre vie quotidienne ? Ne faudrait-il pas éviter le changement, c’est-à-dire la rupture, pour privilégier la transformation, c’est-à-dire l’évolution lente et imperceptible ?
Je crois donc que l’on a fait fausse route – et qu’on le fait encore trop souvent –, quand on promeut le changement permanent dans les entreprises.
Comme je l’ai déjà souvent écrit, le bon fonctionnement des organisations et des relations entre les hommes et les femmes qui les composent, suppose :
-        une connaissance intime du rôle de chacun, de celui des autres et de ce qui est visé,
-        une complexité croissante des processus et des systèmes qui sous-tendent et facilitent les actions humaines,
-        une reconnaissance par les tiers extérieurs à l’entreprise, qu’ils soient clients, fournisseurs ou compétiteurs.
Si l’on change souvent les organisations ou les objectifs poursuivis – les mers visés pour reprendre ma terminologie –, on ne pourra pas construire une réelle efficacité, et les hommes ou les femmes ne pourront adhérer, ni comprendre à ce qui n’est pour eux qu’une perte ou un abandon, celle des enfants qu’ils avaient adoptés et dont ils se souviennent.
A l’inverse, si chaque jour, l’entreprise ciselle son organisation, affine sa stratégie, et optimise un peu plus chacun de ses actes, elle se transforme continûment, et les hommes et les femmes qui la composent s’investiront progressivement davantage dans ce qu’ils vivront comme un processus vivant et enrichissant.

4 sept. 2012

COMPRENDRE QUE NOUS PROCÉDONS PAR INFÉRENCES, CHANGE TOUT

C’est bien d’une révolution qu’il s’agit dans les sciences cognitives… et donc dans la management (Neurosciences 22)
Grâce aux inférences bayésiennes, voici donc notre cerveau capable d’induire des métarègles et d’accéder à un méta-apprentissage (voir l’article d’hier Nous extrayons des métarègles à partir de notre expérience).
Une des conséquences de cette capacité, c’est qu’elle fait le lien entre l’inné et l’acquis : grâce aux quelques règles avec lesquelles nous naissons, et surtout grâce à l’architecture de notre cerveau qui lui permet de faire des calculs bayésiens, nous sommes de merveilleuses « machines » à apprendre, à progresser, et ce de plus en plus vite. Plus nous avons compris, plus nous comprendrons, car nous aurons davantage de métarègles dans la trousse de notre connaissance.
C’est pourquoi Stanislas Dehaene parle, avec à-propos, de « révolution Bayésienne » en sciences cognitives :
-        La théorie bayésienne est la manière optimale et rationnelle de tirer des conclusions logiques, à partir du calcul de plausibilités,
-        Elle fournit des algorithmes d’apprentissage très puissants, en permettant l’accumulation de connaissances et le transfert de règles d’une situation à une autre, ce dans un contexte pertinent,
-        Elle permet d’envisager différemment les processus de perception, de décision et d’action,
-        Elle ouvre de nouvelles perspectives à la théorie de l’esprit et à la psychiatrie, notamment en modélisant les cas où un sujet se trouve à avoir à faire face à une réalité qui n’est pas celle que son cerveau a spontanément anticipé.
De mon côté, je peux établir une première liste des questions associées à se poser vis à vis du management des hommes et des entreprises :
-        Comment mettre à profit cette compétence intrinsèque à chacun de nous pour faciliter et accélérer les processus d’apprentissage dans les entreprises ? Quelles sont toutes les conclusions à en tirer pour la gestion de ressources humaines ?
-        Quid du travail en groupe ? Peut-on améliorer les performances collectives en tenant compte que les perceptions, décisions et actions individuelles sont mues par des processus de type bayésien, c’est-à-dire par la recherche d’une maximisation de la vraisemblance ?
-        Comment se préparer à tirer parti de l’incertitude, et singulièrement de tout ce qui est en rupture par rapport aux expériences passées, avec des cerveaux qui nous poussent au contraire ?

Vaste programme, non ? Je reviendrai sur ces différentes questions à la fin de mon parcours au sein de ce cours 2012.

Pour l’instant, revenons au fil du cours de Stanislas Dehaene.
(à suivre)

15 mars 2012

UN PEU, PARTOUT, LOCALEMENT, EN MÊME TEMPS

Faire de l’émergence efficace, un état d’être - Le management par émergence (11)
Comment donc transformer une entreprise, et lui permettre de mettre en œuvre les six points qui conditionnent une émergence efficace ?
Au risque de surprendre, ma recommandation est de prendre le contre-pied des trois erreurs que j’évoquais hier, c’est-à-dire de ne rien changer, de ne pas avoir de plan d’ensemble et de prendre son temps. Étonnant, non ?
Je m’explique.
Qu’est-ce que je veux dire par « ne rien changer » ? L’idée essentielle est de ne pas lancer une grande mobilisation générale, ni de dire que le passé est révolu et que l’entreprise doit changer. Il faut dans un premier temps ne rien entreprendre de spectaculaire, et viser une transformation de l’intérieur, qui, au début, sera invisible et se propagera. Ce ne sera que, in fine, que l’on fera constater à tous que, oui, tous se sont transformés, et qu’en ce sens, tous ont changé, mais en profondeur.
Pas de plan d’ensemble, mais une multiplication de chantiers locaux, sans lien a priori entre eux. C’est la propagation de ces chantiers qui les fera progressivement se rejoindre, et qui dessinera, au bout de quelques mois ou années, un schéma d’ensemble. Mais ce schéma n’aura pas été conçu a priori, il émergera.
Pas de précipitation enfin. Les premiers résultats seront lents à obtenir et ne seront pas spectaculaires. Puis, petit à petit, le processus prendra de l’énergie au fur et à mesure de sa diffusion, et de l’apparition de connexions entre les chantiers. La transformation aboutira à des résultats visibles globalement au bout de quelques années. Et ce processus lancé continuera durablement à porter ses effets.
Comment concrètement lancer ces chantiers ?
L’idée est simple, et repose sur la phrase suivante : Agir un peu, partout, localement, en même temps et sur les six points.
Prenons l’exemple du premier point, à savoir le lien entre mer et action. Plutôt que vouloir lancer une mobilisation générale, la démarche est de repérer plusieurs lieux dans l’entreprise qui sont plus sensibles à la portée d’une telle action : un manager local qui a une compréhension profonde et fine de la stratégie ; des équipes qui trouvent qu’elles mènent trop d’actions, sans comprendre à quoi elles servent, ou qui pensent en avoir trop de front ; une nouvelle acquisition qu’il faut rattacher au reste de l’entreprise…
C’est ce même raisonnement qu’il faut suivre pour chaque thème : choisir la voie de la facilité, c’est-à-dire ce qui sera le plus naturel à cet endroit-là. L’objectif est que, d’une façon ou d’une autre, chacun participe, même modestement, à, au moins, un chantier. Je rappelle les six thèmes à lancer : lien action/mer, paranoïa optimiste, facilité, flou, confrontation et rythme.
Il ne m’est pas possible ici de donner une recette, car il n’y a pas, par construction, de plan type : c’est à chaque équipe de direction, en fonction de l’histoire et de la culture de l’entreprise, de trouver comment agir.
Il faut simplement ne pas oublier de se doter d’une équipe qui va être une ressource pour chacun, qui va progressivement diffuser ce qui est entrepris localement, et in fine le relier.
Alors l’entreprise émergera différente, et sera prête à poursuivre cette évolution dynamique, faite d’émergences continues et efficaces…

14 mars 2012

NON AU CHANGEMENT, OUI À LA TRANSFORMATION

Permettre les émergences - Le management par émergence (10)
Avant d’aborder comment mettre en œuvre concrètement les six points qui conditionnent une émergence efficace, je vais d’abord m’arrêter sur quelques erreurs à éviter.
J’en vois trois essentielles : confondre changement et transformation, avoir un plan d’ensemble rigide et prédéfini, croire que le résultat sera obtenu rapidement.
Une précision : tout ceci ne s’applique pas à une entreprise qui fait face à une situation d’urgence, qui joue sa survie à court terme, qui doit pallier le risque d’un dépôt de bilan immédiat. Alors, il n’est plus temps de réfléchir au moyen terme, on ne peut plus que se battre pour exister encore.
Mon propos s’adresse aux entreprises qui, tout en étant ballottées par les vagues de l’incertitude, ne sont pas en train de sombrer à court terme. Elles disposent du temps et de l’énergie nécessaires à une réflexion de fonds. L’objectif est de trouver les voies et moyens pour leur éviter de précisément se retrouver un jour en situation d’urgence.
Revenons donc à mes trois points :
1. Ne pas confondre changement et transformation.
Contrairement à l’idée reçue, je suis convaincu que le changement est un mal, et non pas un bien, et que moins on change, mieux on se porte. C’est ce que j’écrivais dans mon article portant ce même titre et qui se terminait ainsi :
« Il est urgent d’affirmer au contraire que : 
-        La performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire mondialement un avantage concurrentiel durable et réel,
-        Le changement est un mal parfois nécessaire, mais à petite dose,
-        La réactivité conduit au zapping et à la destruction de valeur. »
La transformation est elle, une adaptation lente et continue, en respirant avec ce qui nous entoure. Elle est respectueuse du temps et de l’histoire, ne crée pas de ruptures.
La meilleure illustration d’une transformation est la croissance d’un enfant : ni lui, ni nous ne le voyons grandir ou changer, et pourtant il suffit de se retourner en arrière pour voir le chemin parcouru.
2. Ne pas avoir de plan d’ensemble rigide et défini.
Comme tout est incertain, comme l’objectif est de permettre à l’entreprise d’être managée par émergence, comme nul ne peut prétendre connaître ce qu’il faut faire, tout dessin précis serait contre-productif.
Il ne faut surtout pas concevoir l’organisation comme un jardin à la française, avec de grandes perspectives uniformes, mais au contraire comme un jardin à l’anglaise qui se dessinera petit à petit. (voir Jardin à la française ou à l’anglaise : comment faire face à l'incertitude dans un cadre rigide et uniforme ?).
3. Ne pas croire que le résultat sera obtenu rapidement
Mon expérience m’a montré que, dans une grande entreprise, c’est-à-dire pour fixer les idées dont l’effectif est supérieur à dix mille personnes, il est illusoire de penser qu’une transformation réelle prendra moins de trois ans. En-deçà, on n’obtient que des résultats apparents et de surface.
Ce ne sont en effet pas seulement des organigrammes qu’il faut redéfinir, des métiers qu’il faut redécouper, des sociétés qu’il faut fusionner, ce sont surtout des habitudes et des comportements qu’il faut modifier.

28 nov. 2011

JE PARLE, DONC JE SUIS

Transformer, c’est modifier un langage
Extrait de Neuromanagement
Un établissement financier avait décidé de transformer son  organisation France. L’entreprise était classiquement structurée  en directions régionales regroupant les agences. Ces dernières  faisaient marginalement de l’accueil physique et majoritairement  du contact téléphonique, et étaient « propriétaires » d’un  portefeuille clients, ceux qui habitaient sur son territoire. Dans  la nouvelle organisation, elles ont été maintenues, mais aucun  portefeuille clients ne leur était plus rattaché : les appels téléphoniques  étaient gérés par un système central qui les routait  en fonction des disponibilités locales et de quelques critères de  priorité. C’était un changement extrêmement important non  seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan du management  puisque le rôle et le métier de chaque agent se trouvaient  modifiés en perdant sa dimension géographique. Dans un  changement de cette ampleur, le rôle de la Direction - et singulièrement  des Directeurs Régionaux - est essentiel pour indiquer  la cible et accompagner le mouvement. Or le métier même du  Directeur Régional était profondément changé, puisqu’il n’était  plus, lui aussi, responsable géographiquement des clients. Le  maintien du nom « Directeur Régional » a été un facteur de  confusion et n’a pas indiqué la portée du changement, puisque  le mot de « Régional » a été maintenu. Une appellation comme  « Directeur Délégué » aurait été préférable. On a constaté, au  bout d’un an, que la plupart des Directeurs Régionaux ne portaient  pas la nouvelle réforme et que l’organisation commerciale  avait du mal à se l’approprier. Le maintien du nom n’a pas été  à lui seul la cause de ses difficultés, mais il y a contribué : le langage interne était en contradiction avec l’objectif.
La culture dominante de ce groupe pétrolier était industrielle,  aussi la distribution avait été pensée jusqu’alors plus comme une  activité de logistique, dont le rôle principal était d’acheminer  efficacement le carburant jusqu’au client final, que comme le lieu  d’un service pour des clients. Le mot marketing ne faisait pas  du tout partie de la culture. Logiquement l’entreprise ne parlait  jamais de « part de marché » mais de « quota ». Comment était-il  possible de passer à une approche marketing, à une analyse  de la concurrence et à une orientation client réelle tant que l’on  voyait le monde via des « quotas » ? Une des actions entreprises  a donc été, en parallèle de la réorganisation, la modification  de ce point de vocabulaire. Ce changement n’a pas été facile,  car tout le monde en interne avait l’habitude d’utiliser le mot  quota. Cela a pris plusieurs années. Inertie des comportements  humains.
Au début des années 90, l’entreprise Treca, spécialiste de  matelas, s’est lancée avec retard dans le latex. Au-delà des raisons  « rationnelles », le nom même de l’entreprise avait été un  frein : Treca est un raccourci pour « Tréfileries câbleries ». Le  nom était lié à l’existence de ressorts à l’intérieur du matelas,  ressorts qui étaient faits à partir des câbles métalliques. Ainsi la  présence de ressorts faisait partie de l’identité d’origine de l’entreprise.  Passer au latex, c’était pour cette entreprise quasiment  « tuer le père ». Ce fut forcément difficile…
Pendant longtemps, L’Oréal a parlé de « déterminisme du  succès » en faisant référence au fait que tout succès réalisé en  un lieu quelconque n’avait pas de raison a priori de ne pas pouvoir  être généralisé à l’ensemble de l’entreprise. C’est un élément  essentiel et explicatif de la logique interne de l’entreprise. Cette  expression était décryptée en interne, mais n’était pas directement  compréhensible de l’extérieur. La répétition régulière de  l’expression amenait chacun à mettre en œuvre ce principe.
Enfin, quand Michel Bon a voulu redynamiser France  Telecom au milieu des années 90, il a résumé ceci à travers  une expression « le delta minutes » : il s’agissait d’indiquer à  tous qu’il y avait encore des réservoirs de croissance en France  en matière de consommation de téléphone. Cette expression  est devenue centrale dans toute l’entreprise et a fédéré les énergies  pour relancer alors effectivement le téléphone fixe. Elle a  fonctionné car, dans une culture fortement technique, le mot  « delta » était compris et relayé. Avec le développement des  offres au forfait, l’approche a depuis lors évolué.