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6 févr. 2013

LE FLOU DES CONSÉQUENCES : COMMENT PRÉVOIR ?

Toute décision est faussée (5)
Donc pour qu’une décision ait une chance d’être exacte, il faut que le sujet qui prend la décision soit défini, que l’objectif soit clair et mobilisable dans un délai compatible avec la vitesse d’évolution de la situation, et que cette dernière puisse être correctement interprétée. Pour parler trivialement, « C’est pas gagné »… mais possible.
Oui mais pour que la décision soit exacte, il faut que les conséquences issues de celle-ci soient conformes avec l’objectif visé et l’analyse faite. Or, comme l’a indiqué le Général Vincent Desportes dans son livre, Agir dans l’incertitude, en reprenant les propos de Clausewitz, et son « brouillard de la guerre » : « la guerre est le royaume de l'incertitude, trois quarts des éléments sur lesquels se fonde l'action restant dans les brumes d'une plus ou moins grande incertitude. » (1)
C’est la même chose pour toute entreprise, et encore pire : comment pouvoir prétendre modéliser tout ce qui va se passer ? Comment prévoir les conséquences de ses actes ? Comment anticiper les mouvements de la concurrence ? Comment savoir qu’elles seront les comportements des clients ? Comment avoir une vision mondiale de tous ces enchevêtrements ?
Impossible.
Voici donc ce qu’est, de fait, la situation idéale d’une prise de décision :
- Le ou les décideurs sont clairement identifiés, et savent que leurs processus conscients ne sont que la partie émergée de l’iceberg de leurs identités,
- L’objectif est connu et clair, c’est-à-dire que le ou les décideurs savent ce qu’ils visent, et l’ont dynamiquement à l’esprit
- La situation est aussi bien que possible analysée, tout en sachant que cette analyse repose sur des lacunes multiples et des a priori non moins multiples
- Les conséquences des choix éventuels sont évalués, sans se perdre inutilement dans les détails, puisque la seule certitude, c’est que l’on n’a aucune chance d’anticiper réellement ce qui va se passer.
Bref tout prise de décision est un pari sur le futur, et donc c’est en cela que j’ai dit au départ de cette série d’articles, qu’elle était faussée, car l’une ou l’autre des hypothèses, et très certainement un grand nombre, se révéleront inexactes.
Est-ce à dire qu’il est illusoire et dangereux de décider, et qu’il ne faut se confier qu’au hasard ? Non, ce n’est pas du tout ce que je pense, mais il faut être conscient de ces limites, et en tirer toutes les conséquences.
C’est là-dessus que je vais revenir prochainement…

(1) Voir l’article que j’ai consacré à son livre : Être discipliné ne veut dire ni se taire, ni éviter les responsabilités    

5 févr. 2013

LE FLOU DE LA VISION : QUE VOIT-ON ?

Toute décision est faussée (4)
Un décideur qui n’est pas toujours aussi clairement défini, des options qui sont parfois fictives, qu’en est-il maintenant de l’objectif et de la vision de la situation ?
Une autre façon de se poser la question de la clarté de l’objectif est de se demander si l’on est en capacité de relier cet objectif avec la situation présente, c’est-à-dire la décision à prendre, et surtout dans un délai de temps compatible avec la vitesse d’évolution de la situation présente. En effet, si ce délai est largement supérieur au temps disponible avant le moment où il faut décider, cela revient à dire que l’on n’a pas d’objectif. La disponibilité effective de cette connaissance et la capacité pour le sujet qui doit décider à l’intégrer à temps sont essentiels.
Notamment avoir des piles d’études détaillées, des prévisions multiples et complexes, ou des armoires de simulations diverses sont de bien peu d’utilité. L’objectif doit être mobilisable, donc simple, clair et présent dans la conscience de tous ceux qui participent à la décision.
Un objectif est une chose, mais faut-il aussi pouvoir lire la situation actuelle. Or cette lecture est, ainsi que je l’ai indiqué à de multiples occasions dans mes différents articles, une affaire d’interprétation : même si rien ne nous est caché, nous n’avons pas accès directement à ce qui se passe autour de nous, car les informations brutes n’accèdent jamais telles quelles à notre conscience ; dans tous les cas, elles sont enrichies de notre connaissance passée, de nos émotions, et des inférences faites par nos processus inconscients (1). Certes cet enrichissement est source de connaissance et d’accélération, mais il est aussi source d’erreurs, ce singulièrement dès qu’une rupture surgit.
Souvent en plus, nous ne voyons que partiellement la situation. Une partie nous est cachée par des obstacles, ou déformée par le brouillard de la distance. En effet le ou les décideurs ne sont pas en prise directe sur la totalité des faits, mais uniquement au travers d’autres personnes, donc en étant dépendants de leurs interprétations personnelles, et au travers de systèmes, donc avec le filtre de ce qui a été programmé dans les systèmes en question.
Mais certaines personnes ont un sens aigu du diagnostic, et avec peu d’informations, sont capables de procéder aux bonnes inférences. Pour peu alors que l’objectif visé soit accessible, elles sont donc à même de décider en connaissance de cause. Mais est-ce si certain, car il reste à examiner la quatrième et dernière composante : l’analyse des options…
(à suivre)

(1) Voir la série d’articles que j’ai consacré aux travaux de Stanislas Dehaene, et singulièrement les derniers portant sur le cerveau bayésien : Tout décision suppose une inférence bayésienneNous imaginons le monde avant de le vivre et Nous ne voyons pas ce que regardent nos yeux

8 mars 2012

NE PAS TOUT DÉFINIR, NE PAS TOUT OPTIMISER

Savoir lâcher prise - Le management par émergence (7)
Après le lien entre mer et action, la paranoïa optimiste et la facilité, voici le quatrième point nécessaire à une émergence efficace : le flou.
Là encore, pour les lecteurs réguliers de mon blog, ou ceux qui ont lu mon livre les Mers de l’incertitude, il ne s’agit pas d’une idée neuve. Quelle est-elle ?
Elle part une fois de plus d’une idée toute simple : comment on ne peut pas, par construction, prévoir ce que l’on ne connaît pas, si l’on ajuste exactement une entreprise à la vision actuelle que l’on a de la situation future, on la rendra cassante et elle ne pourra pas faire face aux aléas à venir.
C’est pourquoi le sous-titre de mon livre est : une entreprise anorexique ne peut pas faire face aux aléas, et que j’y écrivais : « Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises : on coupe tout ce qui ne sert apparemment à rien, on comprime tout ce qui n’est pas lié directement avec ce qui est planifié. Mais si l’on améliore les résultats immédiats, on se prépare pour un mort future certaine. L’anorexie managériale en quelque sorte : des entreprises devenues tellement maigres qu’elles vont être emportées par la première bourrasque. »
Donc place au flou.
Est-ce donc à dire qu’il ne faut pas se préoccuper de l’allocation des ressources, et que l’on peut dépenser sans compter ? Évidemment non !
Pour prendre une image : si pour démonter une prise, une personne est suffisante, inutile d’être à deux…
Non, ce qu’il faut préserver, c’est une part de flou, c’est-à-dire des ressources en temps, en argent et en moyens techniques non affectées pour pouvoir faire face à l’imprévu, pour permettre d’inventer, pour autoriser des émergences créatives.
Quelle quantité de flou ?
Le plus possible, en fonction de la rentabilité de l’entreprise et des moyens requis pour tout ce qui est déjà engagé et planifié. En d’autres mots, priorité d’abord à l’accomplissement de ce qui est prévu à court terme : inutile de se donner une souplesse pour le futur, si l’on n’est pas capable de faire face aux contraintes de la situation actuelle.
Ce flou ne doit pas être réservé à des fonctions d’état-major ou d’encadrement. Il faut le répartir dans toute l’entreprise, et apprendre à chacun à s’en servir pour tirer parti de ce qui se présente, saisir une opportunité nouvelle, s’engager dans une pente naturelle qui était restée jusqu’à présent cachée, entreprendre une action qui va rapprocher un peu de la mer visée…
L’idée de flou doit aussi être intégrée dans la conception du rôle de chacun et dans le dessin des organisations. Comme il est impossible de tout optimiser, de tout prévoir, de tout planifier, pourquoi vouloir tout définir ? Pourquoi ne pas lâcher prise, et accepter de laisser le futur répondre à ce que l’on ne sait pas aujourd’hui ?
(à suivre)

8 févr. 2012

CONSTUIRE UN PLAN D’ACTIONS RÉSILIENT

Sortir de l’œil du cyclone… et ne pas y retourner ! (4)
Le projet a connu une crise majeure, mais maintenant le bon diagnostic a été posé et les réelles origines du décalage ont été trouvées. Il « ne reste plus » qu’à bâtir le nouveau plan d’actions pour remettre le projet sur de bons rails…
Comment alors non seulement traiter les problèmes identifiés, mais le faire le plus efficacement possible et rendre le projet plus résistant aux aléas futurs ?
D’abord l’efficacité a à voir avec la facilité : plus le plan d’action s’inscrira dans le jeu « naturel » des forces en place, plus il « coulera de source », et plus rapide sera sa mise en œuvre. Sur ce thème, je conseille notamment la lecture de l’excellent livre court et concis de François Jullien, Conférence sur l’efficacité, livre dont je me suis fait déjà l’écho dans un article il y a maintenant plus de deux ans, sous le titre « ».
Deuxième remarque portant cette fois à la fois sur l’efficacité et sur la résistance aux aléas futurs,  et donc à la résilience du projet, attention à ne pas dimensionner trop juste les ressources, car alors l’anorexie guettera le projet : à la moindre variation, il « cassera », car il sera trop ajusté à la vision initiale que l’on avait. Sur ce thème, voir « Mettre du flou dans l’organisation » et « Des optimisations répétées peuvent rendre l’entreprise cassante ».
Enfin, pour améliorer la résilience, il faut chercher à identifier les « cygnes noirs », ces phénomènes apparemment improbables mais hautement disruptifs, et avoir préparé des systèmes de vigie et des plans d’actions d’urgence (voir « Seuls les paranoïaques y arriveront » et « Prévisions et cygnes noirs »)
Et ensuite, rester au plus près du réel et se méfier des tableaux de bord et du biais qu’ils peuvent induire !

23 févr. 2011

LA VIE NAIT DE L’INACHEVÉ

Heureusement Michel-Ange ne les a pas terminés…
A Florence, se trouvent des statues étonnantes et interpelantes. Je parle des statues d’esclave réalisées par Michel-Ange, et qui sont restées inachevées. Initialement situées dans la Grotte de Buontalenti, elles se trouvent depuis 1924 dans la Galleria dell'Accademia de Florence.
A chaque fois que je les vois, j’ai l’impression que les esclaves cherchent à sortir de la pierre, à s’en extraire. Ils sont en train de naître, devant moi. Ils émergent. J’aime à imaginer que ce sont des œuvres volontairement inachevées.
Michel-Ange leur a donné vie, mais ne les a pas terminés, les laissant ainsi libres de leur futur. Quel beau paradoxe pour des esclaves ! Que vont-ils faire ? Comment vont-ils s’en sortir et faire face à ce monde dans lequel ils émergent ?

Michel-Ange n’en savait rien. Alors, il les a dessinés à grand trait, leur a donné juste ce qu’il fallait pour qu’ils vivent, mais rien de plus. A eux de se débrouiller.
Ces sculptures sont, pour moi, une belle métaphore du management dans l’incertitude : on dessine un peu les choses mais pas trop, on esquisse les formes, on donne la direction… et on laisse faire.
Ceci ne veut surtout pas dire que la stratégie doit être un brouillon. Avez-vous l’impression de voir des brouillons en regardant ses statues ? Moi, pas. J’y vois de la vie et de l’énergie. C’est parce qu’ils sont inachevés qu’ils sont vivants : à eux avec nous de combler les manques…
Ce qui est vivant, est ce qui n'est pas terminé, pas fini. Ce qui est terminé est achevé, fini et donc mort...
Construire une stratégie, c’est aussi trouver les lignes de force, ces mers qui attirent les cours des fleuves. Construire une stratégie, c’est laisser des blancs pour que la vie les comble

19 janv. 2011

LES STRUCTURES RIGIDES SONT CASSANTES

Le flou est nécessaire à la performance à long terme

Hier je reprenais un passage de mon dernier livre, Les mers de l'incertitude, portant sur le rôle du chaos : le chaos n'est pas d'abord un problème, mais une solution, car c'est lui qui permet l'auto-organisation et la résilience des systèmes face à l'incertitude.

C'est aussi ce qu'a développé Edgar Morin à de multiples occasions, et notamment dans Introduction à la pensée complexe :
« Le facteur "Jeu" est un facteur de désordre mais aussi de souplesse : la volonté d'imposer à l'intérieur d'une entreprise un ordre implacable est non efficiente… On peut dire grossièrement que plus une organisation est complexe, plus elle tolère le désordre… A la limite, une organisation qui n'aurait que des libertés, et très peu d'ordre, se désintégrerait à moins qu'il y ait en complément de cette liberté une solidarité profonde entre ses membres. La solidarité vécue est la seule chose qui permette l'accroissement de complexité. »

On le voit quotidiennement que les systèmes rigides et parfaitement ordonnés sont cassants, et sont emportés dès que les conditions pour lesquels ils ont été créés changent.

Et pourtant, bien trop d'entreprises restent encore emprisonnées dans des structures figées, bien trop de dirigeants croient que c'est en définissant chaque tâche le plus précisément possible que l'efficacité sera garantie, bien trop de plans de productivité rendent les entreprises parfaitement ajustées et donc vulnérables … et bien trop d'entre nous attendent de leurs dirigeants – notamment politiques – qu'ils apportent des réponses définitives et prévisionnelles…

15 oct. 2010

NOUS N’AIMONS PAS LE FLOU

_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________