Affichage des articles dont le libellé est Guilluy. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Guilluy. Afficher tous les articles

5 nov. 2014

RECRÉER DU LIEN ENTRE FRANÇAIS, ET ENTRE LES TERRITOIRES ET LE MONDE

La France périphérique (8)
Que faire donc face à la montée de la vague bleue, et comment se positionner sur le terrain politique français ?
Faut-il lui abandonner cette France Périphérique ? Certainement pas !
Faut-il alors entrer en compétition avec le Front National en faisant assaut de démagogie et en accroissant la fracture entre cette France rurale et des villes moyennes avec celles des métropoles ? Non plus !
Le défi est autre : reconnaître la réalité de cet abandon territorial, et recréer du lien entre tous les territoires. 
Il y a presque 50 ans, le Général de Gaulle lançait une politique d’Aménagement du Territoire ambitieuse pour mettre fin à Paris et le Désert français (1). Aujourd’hui, il faut lancer une nouvelle politique d’Aménagement du Territoire pour retisser les liens entre les métropoles et le reste de la France.
Tel est très probablement un champ de travail essentiel des futures grandes Régions que Nous Citoyens appelle de ses vœux (2) : construites autour des grandes métropoles qui assurent la connexion de la Région avec le reste du Monde, elles devront les relier avec tout le territoire régional, et faire qu’elles ne siphonnent pas le développement et les richesses, mais au contraire contribuent à un développement mieux réparti et harmonieux.
En parallèle avec cette recréation d’un lien territorial, il faudra aussi recréer un lien social entre tous ceux qui composent la France : que l’on soit grand ou petit, droitier ou gaucher, hétérosexuel ou homosexuel, blanc, black ou beur, Français de souche ou né de l’immigration, seul ou en famille, avec ou sans enfants, que l’on habite Paris, Lyon, Saint Denis, Nogent le Rotrou, ou Montélimar, salarié ou entrepreneur, ouvrier ou agriculteur, nous sommes tous Français. 
Nous devons tous faire société ensemble. C’est à ce prix que la France sera collectivement forte. Il ne peut y avoir de succès individuel.
Voilà un bel objectif pour Nous Citoyens : être le Parti du lien. Celui qui va le récréer, non pas à partir du haut, mais à partir de chaque citoyens. Passer d’une juxtaposition de Je qui ne sentent plus citoyens, à un Nous Citoyens !
(1) Livre de  Jean-François Gravier, paru en 1947, et qui a fortement orienté la politique d’Aménagement du Territoire lancée ensuite
(2) Voir Une organisation territoriale à 3 niveaux au lieu de 5

4 nov. 2014

LE FN SURFE SUR LA FRANCE PÉRIPHÉRIQUE

La France périphérique (7)
Cette différence de positionnement sous-tendrait l’évolution actuelle des trois grands partis : PS, UMP et FN
Le PS et l’UMP sont tous deux connectés aux métropoles, mais l’UMP qui est essentiellement focalisé sur les personnes âgées bénéficie du vieillissement de la population, alors que le PS s’effondre avec le déclin de la classe moyenne.
Ainsi il voit l’UMP sous une dynamique démographique favorable : « L’UMP bénéficie très largement du vieillissement de la société, sa base électorale étant constituée de retraités. Dans une société vieillissante, cette base offre un socle solide et durable si ce parti arrive à conserver une part majoritaire des retraités, les « retraités pauvres », définis par le sociologue Serge Guérin. Car si les jeunes et les actifs issus de ces milieux populaires sont désormais très éloignés des partis de gouvernement, ce n’est pas le cas de ces catégories. »
En parallèle, il va jusqu’à poser la question de la fin du PS : « Mais les jours heureux ont pris fin : tout se grippe aujourd’hui avec l’implosion de cette classe moyenne majoritaire. Le socle électoral du PS se réduit comme peau de chagrin. Si les salariés et surtout les retraités du secteur public constituent encore le socle électoral du parti, la dynamique électorale est désormais à chercher du côté des catégories intellectuelles et supérieures des grandes villes. Le PS, parti des jours heureux, se replie ainsi lentement sur quelques territoires, ceux des jours heureux de la mondialisation, les grandes villes. »
Le FN, lui, surfe sur la dynamique des nouvelles classes populaires, celles qui vivent abandonnées dans la France périphérique :  « Né sur les ruines de la classe moyenne et la précarisation des actifs employés et ouvriers, ce parti réunit désormais une majorité des catégories modestes, jeunes et actifs qui subissent directement les effets de la mondialisation et de l’émergence d’une société multiculturelle. La très forte dynamique sociologique est en outre renforcée par une dynamique territoriale. Ce vote s’inscrit ainsi fortement dans les territoires de la France périphérique. À l’écart des métropoles, c’est un considérable réservoir de voix qui se dessine pour le parti frontiste… s’il réussit à convaincre les abstentionnistes. »
Tel est le paysage pour le moins inquiétant qui ressort du livre, La France Périphérique. Alors que faire, et qu’en tirer pour Nous Citoyens ?

(à suivre)

3 nov. 2014

LA FRACTURE POLITIQUE EN MIROIR À LA FRACTURE SOCIALE ET GÉOGRAPHIQUE

La France périphérique (6)
Quelles sont les conséquences politiques de cette fragmentation de la France ?
Tout d’abord Christophe Guilluy affirme qu’un parti c’est « une sociologie + une géographie. Ce sont les électeurs qui choisissent les partis et influencent leurs discours, pas l’inverse. » Propos d’abord surprenants, mais très éclairants, et surtout vrais quand le discours politique est aussi peu visionnaire qu’aujourd’hui. Nous avons des « pseudo-leaders » qui courent après leurs électeurs, plus qu’ils ne les orientent !
Alors qu’en est-il des partis de gouvernement, c’est-à-dire du PS et du coupe UMP-UDI, et du FN ?
Selon lui, les partis de gouvernement sont focalisés sur les villes métropoles, banlieues incluses, et sont déconnectés de la France périphérique, alors que le FN s’est progressivement centrée sur elle :
« Portés au pouvoir par des catégories protégées ou gagnantes des effets de la mondialisation, soutenus par un pouvoir économique et financier mondialisé, il est difficile d’imaginer que les partis de gouvernement puissent prendre en compte les attentes de catégories qui contestent cette politique. (…) Le vote pour l’UMP et pour le PS est de plus en plus celui des protégés (retraités et fonctionnaires) ou bénéficiaires (catégories supérieures) de la mondialisation tandis que l’électorat FN est celui des catégories qui sont depuis des décennies au front de la mondialisation (ouvriers, employés, chômeurs). »
C’est cette connexion avec la France périphérique qui expliquerait la « gauchisation » croissante du discours du FN : « Une sociologie électorale où les classes populaires, les actifs et les jeunes sont surreprésentés ; une « sociologie de gauche » qui contraint les dirigeants frontistes à abandonner un discours libéral pour défendre l’État-providence. »
Cette focalisation différente conduirait inexorablement vers une fracture croissante entre partis de gouvernement et FN correspondant la fracture géographique et sociale :
« Protégé, l’électorat PS et UMP l’est de plus en plus. Il est aussi de plus en plus âgé : alors que seuls 15 % des électeurs FN sont âgés de 65 ans ou plus, cette proportion s’élève à 31 % chez le PS et 45 % à l’UMP. Mieux, 74 % des électeurs FN sont âgés de 35 à 64 ans, contre seulement 50 % de ceux du PS et 42 % de ceux de l’UMP ! Jeunes, actifs occupés, chômeurs, issus de catégories populaires, le FN est devenu le parti des catégories les plus fragiles et au front de la mondialisation. Inversement, les partis traditionnels ne rencontrent plus que l’adhésion d’un électorat vieillissant et/ ou protégés et/ ou bénéficiaires du modèle économique contemporain. »
Ceci conduit notamment le PS à tenir un discours de plus en plus hors sol : « C’est un mode de vie hors sol, dans un monde sans frontières et de croissance illimitée, que la gauche valorise comme le sommet de l’esprit tolérant et ouvert, alors qu’il est simplement la façon typique de la classe dominante d’être coupée du peuple. On a souvent parlé de gauche caviar, [je] me demande s’il ne faudrait pas parler de gauche kérosène pour désigner ce que devient la nouvelle gauche. »
(à suivre)

30 oct. 2014

LES TROIS FRANCE

La France périphérique (5)
On aboutit ainsi selon Christophe Guilluy à trois France qui cohabitent vaille que vaille : 
« La relocalisation des nouvelles catégories populaires dans la France périphérique, la concentration dans les quartiers de logements sociaux des catégories populaires d’immigration récente dans les grandes métropoles, et enfin la concentration des catégories supérieures dans le parc privé de ces mêmes métropoles dessinent les contours de trois ensembles socioculturels. »
« Premier ensemble La France périphérique et populaire : les catégories populaires d’origine française et d’immigration ancienne : Loin des débats gauche/ droite, la France périphérique portera la question de l’alternative économique au modèle de l’économie mondialisée, la relocalisation, l’introduction du protectionnisme mais aussi celle de la circulation des hommes et donc de l’immigration. »
« Deuxième ensemble : Banlieues ethnicisées, des valeurs traditionnelles au cœur de la mondialisation libérale : Si l’on tient compte du fait que ces territoires sont devenus des sas entre le Nord et le Sud, il apparaît au contraire que l’intégration économique et sociale fonctionne pour leurs habitants, notamment grâce au dynamisme du marché de l’emploi métropolitain et aux politiques publiques. L’enjeu est d’abord celui de la gestion de la société multiculturelle. »
« Troisième ensemble : Métropoles mondialisées et gentrifiées, le modèle libéral de la société ouverte : Tenantes du pouvoir économique et culturel, elles sont aujourd’hui les derniers soutiens des grands partis et surtout du modèle économique dominant. Rempart autodésigné au « populisme », elles interdisent de fait la visibilité des aspirations des catégories populaires. »
Toujours selon Christophe Guilluy, ceci expliquerait largement la critique de l’État providence : 
« Il faut comprendre cette évolution à la lumière d’une société multiculturelle naissante. Le sentiment général n’est pas que l’on souhaite « moins d’État » ni moins de prestations sociales pour soi-même mais pour les « autres ». (…) En effet, la remise en cause de la légitimité de l’État-providence dans un pays qui attache par ailleurs autant d’importance aux services publics et à l’État est le signe d’un basculement politique et sociétal majeur. C’est le paradoxe de la situation actuelle qui dénote la perversité d’un système libéral et mondialisé : demain, la critique de l’État-providence ne sera plus portée par en haut mais par ceux-là mêmes qui en ont le plus besoin. »
Avant d’en venir à mes conclusions personnelles, prenons le temps de revenir sur les conséquences qu’il en tire pour l’évolution politique française. En quoi tout ceci pourrait-il expliquer la montée du Front National, la fragilisation croissante du Parti Socialiste, et le maintien problématique de la droite classique ?
(à suivre)

29 oct. 2014

LA PEUR DE SE RETROUVER MINORITAIRE SERAIT UNIVERSELLE

La France périphérique (4)
Afin d’enrichir sa recherche, Christophe Guilluy nous invite à prendre conscience que la peur de se retrouver minoritaire dans son propre lieu de vie, n’est pas l’apanage des Français les moins favorisés. Loin de là ! On retrouve cette peur de partout.
Tout d’abord la population immigrée est elle-même inquiète de se voir submergée par de nouveaux arrivants :
« Ainsi, si 82 % des musulmans franciliens interrogés sont favorables au droit de vote des étrangers, ils sont la moitié à juger « qu’il y a trop d’immigrés », et 52 % à considérer que l’on « ne se sent plus chez soi comme avant » (…) Les Français musulmans vivent au quotidien la question des flux migratoires, dans des villes ou des quartiers où se concentrent les flux d’immigration récente, c’est-à-dire dans des espaces où les mobilités résidentielles sont fortes et l’instabilité démographique permanente. Or, une part importante de la population musulmane francilienne, souvent en phase d’ascension sociale et vieillissante, vit difficilement l’intensification des flux migratoires récents, souvent subsahariens, qui contribuent fortement à une forme d’insécurité culturelle. »
Et ceci se retrouve dans les pays de par le Monde :
« En novembre 2012, le magazine Maroc Hebdo avait suscité l’émoi en affichant sur sa « une » le titre « le péril noir » pour dénoncer l’immigration subsaharienne. »
« Personne ne souhaite être minoritaire : Dans une société multiculturelle où l’autre ne devient pas soi, la question du nombre devient essentielle : combien va être « l’Autre » dans ma ville, mon village, mon quartier, mon immeuble ? (…)Il n’est scandaleux que s’il se réfère à une hiérarchie entre les peuples et les cultures, mais légitime quand il répond à l’angoisse compréhensible de ne pas souhaiter être ou devenir « minoritaire » sur un territoire donné. »
« Devenir ou être minoritaire, c’est dépendre de la bienveillance d’une majorité : Avec Israël, les juifs passent du ghetto au village. Ce passage d’une minorité structurelle à une majorité relative soulève évidemment des questions touchant le rapport à l’autre, le développement de logiques séparatistes, la création de colonies autour de Jérusalem qui visent par exemple à maintenir le fait majoritaire. » 
Partout les classes dirigeantes vivent le multiculturalisme positivement car, elles « ont les moyens de la frontière invisible avec l’autre, ne veulent pas de cette séparation. Ce sont elles qui demandent, au nom du bien, toujours plus de « mixité ». »
D’où une incompréhension croissante entre les deux :
« Le décalage entre la perception des élites et celles du peuple se lit dans cette gestion du multiculturel. Aux classes dominantes, qui vivent le multiculturalisme à 5 000 euros par mois, et pour qui la solution passe par plus de mixité, les classes populaires, celles qui vivent le multiculturalisme à 1 000 euros par mois, répondent séparatisme. (…) Les catégories modestes souhaitent préserver leur capital social et assurer la transmission de leur patrimoine et de leur « village » à leurs enfants. Il s’agit d’une démarche de protection, pas de fermeture, elle n’interdit donc pas l’accueil de l’autre ni la fraternité mais exige un entre-soi majoritaire. »
Difficile cohabitation, et défi collectif…
(à suivre)

28 oct. 2014

LA MOBILITÉ NE CONCERNE PAS TOUT LE MONDE

La France périphérique (3)
Avant d’en venir aux conclusions politiques que tire Christophe Guilluy, arrêtons-nous un instant sur son analyse de ce qui est considéré comme une donnée de notre monde : le développement de la mobilité.
D’abord qu’en est-il des migrations internationales ?
« Les migrations internationales ne concernent qu’environ 3 % de la population mondiale, soit une partie infime des habitants de la planète. En réalité, quand elles ont lieu, l’essentiel des mobilités humaines sont des migrations internes aux États. Dans tous les cas, l’immense majorité des habitants du monde vivent dans le pays où ils sont nés. (…) On l’oublie souvent : l’immigration est d’abord un arrachement, plus rarement un choix. (…) Une enquête de Sciences Po(1) montre que le taux d’expatriation ne touche que 0,004 % des non-diplômés contre 2,1 % des titulaires d’un doctorat, soit 52 fois plus. La part des jeunes ingénieurs travaillant à l’étranger est passée de 14,6 % à 19 %. »
Ainsi à nouveau, déconnexion entre la France des métropoles et celle de la périphérie. Mais tout ceci doit être en train de changer puisque la France est sillonnée de TGV. Sauf que qui trouve-t-on dans les TGV ?
« L’économiste Julien Milanesi observe par exemple que depuis la mise en service d’un train roulant à 300 km/ h plutôt qu’à 160 km/ h ou 200 km/h, la SNCF attire toujours plus de catégories supérieures. Le train est devenu un moyen de transport socialement marqué. Plébiscitée par les élites, l’hypermobilité est le fait des classes supérieures, une mobilité financée pour partie par… les catégories modestes. Les coûts des infrastructures ferroviaires, routières et aériennes sont en effet pour partie assumés par des financements publics ; des budgets pharaoniques auxquels contribue donc la majorité, surtout pour le confort, in fine, d’une minorité. »
Aussi la mobilité qui est l’apanage des métropoles est creuse davantage la fracture :
« Les métropoles mondialisées et gentrifiées resteront celles des mobilités (par le haut pour les catégories supérieures et par le bas pour les catégories populaires immigrées), tandis que la France périphérique verra peu à peu émerger une France des sédentaires contraintes par le contexte économique, social et foncier. »
« La volonté d’éviter les quartiers et plus largement les territoires des grandes villes où se concentre l’immigration participe à la sédentarisation des populations dans des territoires économiquement peu dynamiques. »
(à suivre)

27 oct. 2014

PROMENADE DANS LA FRANCE ABANDONNÉE

La France périphérique (2)
Dès que l’on quitte le monde des métropoles, on se retrouve en une France qui vit déconnectée de l’économie-monde.
« Territoire d’une France « populaire et fragile », la « France périphérique » recoupe des réalités économiques et sociales très différentes. Des territoires ruraux et industriels de la Bretagne intérieure aux territoires du « périurbain subi » de Brignoles, ce petit tour de la «France périphérique » vise à éclairer l’émergence d’un continuum socioculturel sur les ruines des classes ouvrières et moyennes. »
C’est donc une France difficile à saisir et à décrire puisqu’elle recouvre des réalités concrètes très différentes. Elle recouvre aussi bien la révolte des bonnets rouges bretons ou celle des sidérurgistes lorrains de Gandrange.
Qu’ont-ils en commun ? Essentiellement d’être pris au piège d’appartenir à un territoire où les offres d’emploi régressent, car déconnecté du mouvement mondial, et d’y être piégé par des liens économiques et culturels :
« Les problèmes financiers sont structurels (ayant du mal à s’acquitter du paiement des traites de leur maison, des nombreux déplacements, de l’obligation de posséder deux voitures) et l’endettement, voire le surendettement, répandu. Quand le chômage frappe, l’éloignement des zones les plus dynamiques rend difficile un retour à l’emploi. Le piège se referme sur « cette classe moyenne inférieure » caractéristique en réalité de ces nouvelles catégories populaires fragilisées. »
Autre propos très dérangeant de Christophe Guilluy, son discours sur l’attitude des classes les plus défavorisées vis à vis de l’immigration : ce sont elles qui sont effectivement confrontées à la réalité de la cohabitation, et non pas les classes supérieures, qui ont, elles, la possibilité de vivre à distance. Les classes favorisées peuvent construire des stratégies d’évitement : elles parlent de la société multiculturelle, mais elles n’en vivent pas au quotidien les inconvénients.
« Contrairement à ce que l’on croit, le diagnostic rationnel, objectif, est celui des classes populaires, car ce sont elles qui vivent au quotidien, depuis trente ans, les effets de la mondialisation (stagnation ou déflation salariale, précarisation, chômage, fin de l’ascension sociale) et de son corollaire lié à l’immigration (aléas de la cohabitation, quartiers difficiles, problèmes de logement, déshérence de l’école, instabilité démographique...). Ainsi, contrairement à ce que l’on écrit et dit un peu partout, le diagnostic « par le bas » (désigné comme « populiste ») n’est pas le fruit d’un emportement irréfléchi, d’une radicalisation irrationnelle ou d’une protestation superficielle) »
Aussi si elles ont fui les banlieues et se sont retrouvées dans cette France périphérique, où elles se sentent de plus en plus abandonnées, ce n’est pas pour y revenir, et pas non plus pour accepter le discours moralisateur d’une mondialisation et d’une société multiculturelle qui seraient a priori positives.
(à suivre)

23 oct. 2014

LES BANLIEUES SONT-ELLES DES GHETTOS ?

La France périphérique (1)
Souvent quand on prend le temps de lire un livre dont tout le monde parle, on est déçu, car le niveau d’attente est tel que c’est le plus probable. 
Avec La France Périphérique de Christophe Guilluy, rien de tel. Non seulement la richesse du contenu et son originalité sont à la hauteur du buzz, mais sa lecture m’a même ouvert plus de perspectives que je ne l’imaginais avant !
Il était donc nécessaire que je lui consacre une série de billets, où, conformément à mon habitude, je vais alterner citations – selon la logique d’un patchwork de ce qui m’a le plus interpellé – et commentaires, ou digressions. Je ne vais pas suivre nécessairement le plan du livre, mais procéder plutôt à une déconstruction-reconstruction.
En route donc pour cette promenade dans, pour reprendre le sous-titre, « comment on a sacrifié les classes populaires ».
Quelques observations d’abord sur l’immigration et les banlieues des métropoles.
« L’inégalité sociale et culturelle au cœur d’un modèle sans « classes moyennes » : En 2008, dans la Seine-Saint-Denis, 63 % des actifs ayant déjà travaillé et âgés de 18 à 50 ans sont d’origine étrangère. Mais c’est le cas de près de 90 % des ouvriers, contre à peine plus de 30 % des cadres. En Île-de-France, si 61 % des ouvriers de 18-50 ans ayant déjà travaillé sont d’origine étrangère, c’est le cas de 24 % des cadres seulement. Si le phénomène est plus marqué dans la métropole parisienne, les dynamiques sont les mêmes dans l’ensemble des grandes métropoles. Partout le clivage social tend à recouvrir un clivage ethnique. »
Pour l’instant, rien de très surprenant : nous retrouvons les immigrés « là où nous les attendions », c’est-à-dire parmi la classe ouvrière, donc la moins favorisée.
Mais souvent, dès que l’on parle de banlieues, on y associe la vision d’un ghetto dont il est difficile, voire impossible de sortir. Or Christophe Guilly dresse un portrait tout autre, celui « des banlieues intégrées et qui produisent des classes moyennes » :
« On ne perçoit pas que ces territoires se caractérisent en fait par l’importance de leur mobilité résidentielle. Dans son rapport de 2005, l’ONZUS (Office National des Zones Urbaines Sensibles) révélait que le taux de mobilité en ZUS était de 61 % ce qui en faisait les territoires les plus mobiles de France. La permanence d’indicateurs sociaux dégradés est en fait une des conséquences de cette mobilité. Car si ces quartiers accueillent en effet une part essentielle des flux migratoires, ils enregistrent dans le même temps, et logiquement, le départ des ménages les mieux insérés ou les plus diplômés. »
Ainsi selon son analyse, ces banlieues qui entourent les villes métropoles, ne sont pas des lieux d’exclusion, mais d’inclusion dans l’économie-monde, certes au prix d’un modèle inégalitaire, mais les connexions sont réelles.
Alors que le reste du territoire, celui qui n’est ni métropole, ni banlieue d’une métropole, est lui coupé de l’économie-monde. C’est là que l’on trouverait les vrais défavorisés. Bienvenue dans la France périphérique !

(à suivre)