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10 juil. 2013

POURQUOI ACCEPTER QUE LES PMI FINANCENT LA DISTRIBUTION ?

"Pourquoi payer à un supermarché ce qu'il n'a pas payé lui-même ?" ou "Comment les grandes surfaces fleurissent dans des campagnes qui se vident de leurs industries ?"
Cette petite ville meurt doucement. Située au pied du Vercors, un peu plus de trois mille habitants, l’industrie y a été pendant longtemps florissante. Tirant parti de la possibilité de produire facilement de l’électricité, et de sa proximité avec la vallée du Rhône, notamment le textile s’y était développé. Forte de cette création de valeur réelle, elle rayonnait alors aux alentours, et était un centre local dynamique. Mais tout ceci est bien loin, et les dernières entreprises industrielles ont fermé.
Et pourtant, malgré cette perte de dynamisme et cet appauvrissement, à l’entrée de la ville, trône un Intermarché flambant neuf. Avec sa façade outrageusement moderne, son parking aux lignes bien dessinées, et son enseigne multicolore, il se moque bien de ce déclin, et vient, par son apparition, finir de sonner le glas du petit commerce du centre-ville.
Quel bel exemple de notre maladie collective, pensais-je, en y passant il y a quelques jours : la grande distribution, nourrie par le crédit interentreprises, capable de vendre des produits qu’elle n’a pas encore payés, tel un vampire moderne, grandit là où rien d‘autre ne subsiste, s’abreuvant du peu d’énergie qu’il peut rester.
J’ai, ces derniers mois, écrit à plusieurs reprises, des articles (1) alertant sur cette maladie bien française, qui empêche nos entreprises de croître, comme le transfert de propriété a lieu à la livraison et non pas au paiement, le délai de paiement est le résultat du rapport de forces, et les factures des petites entreprises ne sont réglées que soixante, quatre-vingt dix, voire cent vingt jours après la livraison.
Comment voulez-vous dans ces conditions qu’elles puissent financer leur croissance, puisqu’une part majeure de leur bénéfice sert à payer des intérêts aux banques, plutôt qu’à acheter de nouvelles machines, à embaucher des commerciaux, ou lancer une campagne de communication ?
Dans le même temps, la grande distribution prospère, riche d’une valeur qu’elle n’a pas créée : elle revend ce qui ne devrait pas lui appartenir. Les grandes entreprises ne sont pas non plus les perdantes à ce "jeu" du crédit interentreprises, puisqu’elles ne paient aussi que tardivement le travail de leurs sous-traitants.
Certes, la loi a encadré ces délais, mais quel dirigeant de PMI prendrait le risque de perdre ses marchés futurs, en se retournant contre ses clients ? Et comble de double discours, l’État qui s’affirme voulant promouvoir les PMI est loin de donner l’exemple, notamment par le comportement des entreprises publiques. C’est ainsi plus de cinq cents milliards d’euros qui sont prélevés aux PMI françaises pour financer la distribution et les positions dominantes des grandes entreprises.
Comment tous les gouvernements successifs n’ont-ils pas compris que c’était là l’origine essentielle de notre déficit en entreprises moyennes ? Sont-ils à ce point, dépendants des grandes entreprises et du monde financier ? Croient-ils que les dirigeants français de PMI sont moins créatifs, moins entreprenants, moins innovants que leurs homologues allemands ? Ne voient-ils pas que, simplement, ces patrons de PMI ne travaillent pas pour eux-mêmes ?
Pour s’en convaincre, il suffit de voir fleurir dans nos campagnes, ici des Intermarché, là des Leclerc, des Carrefour ou des Auchan. Pour ceux qui en doutent, qu’ils aillent donc demander aux notaires qui ont fait fortune ses dernières années. Pour ceux qui pensent que les Français ont peur de l’international, qu’ils apprennent que la deuxième communauté étrangère à Shanghai après les Américains est la communauté française, devant les communautés anglaises, allemandes ou italiennes (2).
Alors quand allons-nous nous décider à mettre fin à cette injustice ? Faudrait-il organiser une manifestation collective, amenant tous les consommateurs à eux aussi ne payer ce qu’ils ont mis dans leur caddie qu’avec trois mois de retard ?
Réveillons-nous, car si nous n’y prenons pas garde, la France deviendra, comme cette commune du Vercors, un pays vide d’industrie et rempli de centres commerciaux flambants neufs. Je repense aussi à la chanson de Boris Vian, Le petit commerce, dans laquelle un vendeur d’armes se réveillait seul au monde après avoir "fait faire des affaires à tous les fabricants d'cimetières", et finissait en criant "Canons en solde" !
(1) Voir notamment l’article écrit avec Stéphane Cossé et paru le 27 décembre 2012 dans le Figaro et le 31 décembre dans les Échos, et le 2 janvier sur AgoraVox
(2) Selon le consulat de France  : "12 000 Français (et leurs familles) de Shanghai et sa région sont inscrits au consulat, contre deux milliers environ au pic de l’ancienne Concession française, dans les années 1930, et 71 en 1985. Cela représente la première concentration de Français en Asie, et la première communauté européenne à Shanghai, en particulier si l’on prend en compte le fait que le chiffre réel pourrait atteindre 16 000 personnes."

(Article paru dans le Cercle Les Echos le 18 janvier, et sur mon blog le 24 janvier)

28 mai 2013

SE DOTER D’UNE CAPACITÉ D’EXPERTISE INDÉPENDANTE

Le Développement industriel et économique en France (2)
Le développement industriel d’un pays ne naîtra pas de la réinvention du dirigisme public, mais il est illusoire et dangereux de l’abandonner aux seules lois du marché.
En effet, compter sur un engagement des grandes entreprises en faveur de la Nation où elles sont nées, est une illusion, et relève soit d’une méconnaissance du fonctionnement maintenant global des grandes entreprises, soit d’une croyance, un peu naïve, dans la parole de leurs dirigeants : une entreprise doit d’abord quotidiennement se battre pour sa survie, et préparer son futur.
Elle le fait en s’impliquant dans les territoires où elle opère, mais elle peut de moins en moins en privilégier un plutôt qu’un autre. Simplement pour celles pour lesquelles la France reste la base principale, il y a un intérêt commun de fait, et qu’il s’agit donc d’entretenir. Ni plus, ni moins…
Quant à tout le discours sur la responsabilité sociale des entreprises, il abrite bien rarement une réalité sincère. Certes les concepts de développement durable et de codépendance entre une entreprise et son environnement, font leur chemin, mais cette avancée n’en est qu’à son début. Pour la plupart des entreprises, ce n’est qu’un discours, une façon de se défausser à bon compte d’un vrai sujet et d’une réelle responsabilité.
Aussi, quand un État s’appuie sur une grande entreprise et ses services techniques, pour obtenir des expertises et croît qu’elles seront indépendantes, et non pas au service des intérêts de l’entreprise, il fait à nouveau preuve de méconnaissance ou de naïveté : une entreprise aura toujours à cœur de défendre d’abord ses intérêts propres.
Se doter d’une expertise propre et indépendante est donc de mon point de vue une priorité :
- Pour permettre à l’État d’orienter ses choix, ainsi que ceux des Régions tant dans les sujets restant de sa prérogative (politique de santé, développement des énergies nouvelles, tutelle des entreprises publiques,…) que pour l’élaboration des plans d’actions avec les Régions (notamment en matière de choix de pôles d’excellence et de support à mettre en place),
- Pour être un lieu à la disposition des PMI/PME, et de leurs organisations professionnelles (notamment les chambres de commerce et d’industrie) pour apporter des éclairages, et faciliter des prises de décision,
Mais pas pour décider à la place des entreprises…
(à suivre)

27 mai 2013

INUTILE D’ALLER EN APPELER À LA STATUE DU COMMANDEUR !

Le Développement industriel et économique en France (1)
Au moment où l’on sait que la performance des entreprises passe par la décentralisation et la responsabilisation des équipes locales, il y aurait pour le moins un contresens de voir les pouvoirs publics choisir un chemin inverse.
Arrêtons de croire que la solution viendra d’un retour aux formules issues du passé, et de la réincarnation d’un « De Gaulle » sauveur !
Non, compte-tenu de ce qu’est devenu notre monde contemporain, le Développement industriel et économique ne passera pas par la récréation, sous une forme ou une autre, d’un Commissariat au Plan directif, et un pilotage accru par l’État.
Comment en effet, quel que soit son niveau de compétence, une équipe restreinte pourrait-elle trouver des solutions à des problématiques complexes, en perpétuelle mouvement, et entremêlées ?
Non, les entreprises ne sont pas des êtres méchants, voulant la mort de la France, et l’appauvrissement des habitants. Elles ne sont pas non plus des enfants en mal d’un père qui les aiderait à mieux décider.
Mais, ne tombons pas dans la naïveté inverse, il ne faut pas non plus attendre que, naturellement, du jeu d’un marché naisse la solution…
(à suivre)