20 nov. 2014

LA PUISSANCE DU NOUS

Reinventing organizations (4)
Troisième rupture, celle de la naissance de tribu mondiale.
Cette émergence est le fruit d’une triple évolution : 
- L’expansion démographique récente qui vient de multiplier par près de 10 la population mondiale en 100 ans, nous rend chaque jour de plus en plus voisins les uns des autres,
- La naissance d’objets-monde qui nous permettent d’agir à distance – alors que jusqu’à présent nous ne pouvions agir qu’avec nos bras prolongés d’un morceau de bois, ou ne tuer qu’à portée de flèches ou de balles –, fait que nous sommes de plus en plus soumis aux effets des autres, et que nous agissons sur notre planète,
- Internet et des technologies de l’information nous relient tous, et nous passons d’un monde où les hommes n’étaient que juxtaposés et les tribus locales, à un monde global où les tribus deviennent mondiales.
Nous passons ainsi à ce que j’appelle le Neuromonde, un monde connecté où notre puissance collective change de nature. A l’image de l’intelligence de la ruche ou de la fourmilière, nait celle de l’humanité. Tous ensemble nous pouvons donner naissance à une encyclopédie dynamique – Wikipedia –, ou valider le résultat des scans de tous les livres publiés – reCaptcha.
Voilà donc notre nouveau monde : un monde peuplé d’individus qui comprennent chaque jour davantage que leur identité individuelle est le résultat d’un processus dynamique émergent, dont la puissance élémentaire croît exponentiellement, et dont la force collective aussi.
Pas étonnant qu’il faille réinventer les organisations, non ?
(à suivre)

19 nov. 2014

LE « JE ÉLARGI »

Reinventing organizations (3)
Deuxièmement, avec Internet, chacun de nous mute et s’écarte chaque jour davantage de ce qu’a été jusqu’à présent l’être humain. 
En effet qu’est-ce que penser consciemment ?
C’est en résumé, recueillir des données sur une situation présente, ce via nos cinq sens, les enrichir grâce à notre mémoire de ce que nous avons vécus ou appris, et construire avec tout cela des scénarios.
En quoi Internet vient-il tout changer ?
D’abord tuons tout de suite le mythe du virtuel face au réel. Pour le cerveau, le réel n’existe pas. La seule chose qui existe, ce sont les signaux chimiques et électriques qui l’habitent. Les informations apportées par Internet ne sont ni plus, ni moins réelles que les autres. Simplement si elles sont en contradiction ou différentes de celles perçues par nos cinq sens, notre cerveau pourra faire la distinction. Ni plus, ni moins.
Revenons donc sur notre processus de pensée, et voyons comment Internet le modifie.
D’abord il nous donne accès à de nouvelles données : avec Internet, je peux savoir ce qui se passe à distance. Un sixième sens en quelque sorte. Ou une extension géographique de nos cinq sens si vous préférez.
Ensuite, Internet nous apporte une nouvelle mémoire. Avec les moteurs de recherche, avec le développement des tags, avec la multiplication des réseaux sociaux et tous les systèmes experts, j’enrichis ma perception de la réalité de milliards d’informations accumulées par d’autres.
Enfin, toujours grâce à Internet, je dispose de nouvelles puissances de calcul qui m’aident à analyser la situation et à construire des scénarios.
Nous voilà donc des mutants ! Sans nous en rendre compte, nous nous éloignons de plus en plus de celui que nous étions il y a dix ans. Chacun atteint une puissance individuelle jamais atteinte.
Et ce n’est pas fini : l’hybridation entre technologie de l’information et biologie n’a quasiment pas commencé.
(à suivre)

18 nov. 2014

LE « JE » N’EST PLUS VRAIMENT

Reinventing organizations (2)
Arrêtons-nous d’abord sur le sous-titre du livre qui pose bien à la fois le problème et l’ambition : « A guide to creating organizations by the next stage of human consciousness »
Oui nous sommes en train de vivre une rupture majeure : nos consciences individuelle et collective mutent. 
J’ai déjà eu l’occasion ici dans mon blog, ainsi que dans mes livres de détailler cette rupture. Je ne vais donc en reprendre maintenant que trois points qui sont essentiels.
D’abord nous comprenons de mieux en mieux nos mécanismes cérébraux, et les interactions entre le cerveau et le reste de notre corps. 
Nous en avions jusqu’à présent une vision relativement mécaniste. Pour simplifier, nous étions aux commandes de notre corps, avec au sommet notre cerveau et notre conscience. Si je faisais ceci ou cela, c’est parce que je l’avais décidé. Et si je l’avais décidé, c’était à l’issue d’un processus conscient et rationnel. L’éducation avait notamment pour but d’améliorer à la fois le moteur – notre cerveau – et sa capacité à commander vite et bien.
Freud et Jung avec la mise en évidence de l’inconscient et de la portée des rêves ont commencé au début du siècle dernier à ébranler ce bel édifice.
Grâce à l’essor récent des neurosciences et aux progrès multiples dans la compréhension de l’écosystème de notre corps, tout ceci vole en éclats.
La vision d’un cerveau conscient aux commandes cède le pas à une vision beaucoup plus complexe où notre identité et nos décisions émergent dynamiquement des interactions entre : 
- Nos processus conscients et non conscients : l’essentiel de notre énergie cérébrale est consommée par des processus non conscients, c’est-à-dire dont nous ne pouvons percevoir que les effets, sans pouvoir avoir accès à leurs mécanismes, ni les influencer volontairement, 
- Nos différents cerveaux : car oui nous avons bien un cerveau intestinal et il a son mot à dire dans nos processus mentaux !
- Notre corps et les milliards de microorganismes qui l’habitent : la flore intestinal a elle aussi son mot à dire, et selon son type nous ne serons pas exactement les mêmes,
Cerise sur le gâteau, notre mémoire n’est pas un ensemble stable de données auxquelles nous aurions facilement accès. Au contraire, c’est un système éclaté, et à chaque fois que l’on se souvient de quelque chose, le souvenir est incomplet et reconstruit.
Bref notre « je » est en construction constante, et nait d’une émergence collective. Le « Je » ni ne se décide, ni n’est aux commandes, il se vit et se constate.
(à suivre)

17 nov. 2014

UN LIVRE RARE SUR LE MANAGEMENT

Reinventing organizations (1)
Rares sont les livres de management qui apportent à la fois un regard neuf, global, s’appuyant sur des faits et une mise en perspective historique de leurs propos.
Le plus souvent, on n’a droit qu’à l’un des trois : 
- Des livres mettent l’accent sur une rupture, mais sans être capables de la resituer ni dans une perspective d’ensemble, ni dans une logique factuelle et historique. On se trouve alors face à une « anecdote », qui peut être certes intéressante, mais dont la pertinence et la portée sont d’abord affaires de dogme.
- D’autres sont globaux et systémiques, et, s’ils peuvent être une clé de lecture enrichissante, ils n’apportent pas de solutions nouvelles. Plus leurs propos sont documentés, plus l’analyse sera utile pour comprendre le présent. Mais ils restent pauvres pour penser au futur.
- Enfin  ceux qui ne font qu’accumuler des faits et des expériences historiques, laissent aux lecteurs le travail de la réflexion. Ce sont des bases documentaires pertinentes, mais l’essentiel du travail reste à faire.
Le livre de Frédéric Laloux, « Reinventing organizations », appartient à cette race rare qui allie les trois. On peut aussi écouter sa conférence faite en français
Déjà une première raison pour en faire un compte-rendu long sur mon blog.
Un autre intérêt de ce livre est que, même s’il s’adresse d’abord aux entreprises et à ceux qui les dirigent, il est aussi une aide précieuse pour tous ceux qui s’intéressent à la politique et aux modes de pilotage des structures publiques. Un État n’est en effet jamais qu’une collectivité humaine plus large et plus complexe.
Comme c’est une de mes préoccupations majeures est de réfléchir à comment refonder la France et faire émerger un nouveau mode de pilotage des politiques publiques, c’est une deuxième raison pour chroniquer ici ce livre. Je vais donc émailler ma chronique de réflexions et interrogations personnelles qui me viennent en écho.
(à suivre)

14 nov. 2014

LES RENAISSANCES SONT À VENIR…

Les unes avec les autres
En ces jours qui raccourcissent,
En ces moments où le froid est de retour,
Alors que l’hiver s’approche et la nature se referme,
Attendons en confiance le printemps à venir.
Temps magique des télescopages de la vie,
Anarchie des couleurs et des naissances,
Poussées qui bousculent et heurtent leurs voisines,
Harmonie émergente d’une nature hybridée.
Savoir ne pas se racornir, savoir ne pas brider,
Laisser les brises glacées courir sur notre peau,
Ne pas se laisser emportés par un pessimisme ambiant,
Sentir l’énergie des graines qui bientôt germeront…

13 nov. 2014

C’EST MA FAUTE, C’EST MA TRÈS GRANDE FAUTE

Histoire de pomme (4)
Acte 6 : Quand le 29 octobre, la sentence tombe : je n’ai qu’à acheter un nouvel iPhone !
Les jours passèrent. Je ne dirais pas que je m’étais habitué à voir mon iPhone redémarrer plusieurs fois par jour, mais j’endurais, pensant que l’arrivée du nouveau système d’exploitation allait résoudre le problème.
Le jour J, je déclenchai la mise à jour, et attendis l’arrivée du miracle souhaité. En vain ! Passer de la version 8.0 à 8.01, puis 8.02, et enfin 8.1 n’y changea rien. Je dus me rendre à l’évidence, mon nouvel iPhone, donné il y a maintenant presque 3 mois, avait un défaut majeur : il aimait à redémarrer.
Il ne me restait donc plus qu’à retourner au fameux Genius Bar. Tout commença favorablement, car, à ma grande surprise, j’obtins aisément un rendez-vous pour le 29 octobre 15h30 au magasin Apple Opéra.
C’est donc confiant qu’il y a quelques heures j’en ai franchi la porte et me suis approché de la technicienne qui venait de m’appeler.
Une minute plus tard, la sentence tombait, accompagné d’un regard accusateur :
« Mais, Monsieur, l’écran de cet iPhone n’est pas d’origine. Vous avez enfreint les codes émis par Apple, votre garantie n’est plus valable, et je ne peux rien pour vous. »
J’ai failli lui rétorquer que c’était mon iPhone qui était malade, et non pas moi. Mais comprenant que ni le moment, ni le lieu ne se prêtaient à la plaisanterie et à l’humour, je lui expliquai que c’était à cause de l’incapacité d’Apple à me réparer mon écran que j’avais dû aller ailleurs.
Rien n’y fit : me voilà donc dans une impasse. 
A cause de l’incapacité d’Apple à réparer mon écran en septembre, je n’ai pas eu d’autre choix que de trouver un réparateur indépendant… qui m’a certifié que les pièces étaient d’origine. 
A cause de cette réparation, Apple me dit que mon iPhone n’est plus sous garantie.
Bel exemple d’orientation client !
CONCLUSION
Je me trouve donc devant les options suivantes :
- Garder mon iPhone comme il est, c’est-à-dire vivant sa propre vie et décidant de redémarrer quand cela lui chante, de préférence à un moment critique,
- En acheter un nouveau qui, lui, sera sous garantie si, par malheur, il se trouvait déficient (en m’interdisant évidemment de le faire réparer, si jamais Apple est incapable de me recevoir),
- Quitter Apple pour mon téléphone, mais comme je suis aussi équipé d’un MacBook Air et d’un iPad, je perds tout l’intérêt du système global.
Bref je suis piégé. Merci à la pomme et dommage que j’ai croqué dedans.
A moins qu’il ne me faille faire un pèlerinage style Compostelle en direction de Cupertino. Je me vois cheminant pieds nus en robe de bure depuis Paris jusqu’en Californie. 
Peut-être le pardon me serait-il alors accordé. 
A moins que l’on ne me recouvre là-bas de goudron et de plumes dans la plus pure tradition du Far-West américain pour les mécréants de mon espèce.
Pardon, pardon, Mr Apple j’ai péché. Ayez pitié de moi !

12 nov. 2014

LE CRIME DE LÈSE-MAJESTÉ FORCÉ

Histoire de pomme (3)
Acte 5 : Quand, en septembre, l’énervement amène à casser l’écran et que le besoin de le réparer rapidement empêche d’aller chez Apple
Mi septembre, alors que, une fois de plus, je venais d’avoir la joie de passer par la case « Écran bleu », je sortis irrité de ma voiture, et le tenant insuffisamment, il m’échappa. Gagné : l’écran en mille morceaux. 
« Sept ans de malheur, pensai-je ». La réunion qui suivit se passa bien, démentant le proverbe. La suite démontra que le proverbe n’était si erroné…
Il ne pouvait être question de rester longtemps avec cet écran en miettes, car je n’avais pas fait dans la demi-mesure. Dans ma famille, quand on casse, on le fait vraiment !
« Parfait, me dis-je, je vais faire d’une pierre deux coups : faire réparer l’écran et signaler mon problème d’écran bleu ».
Entre deux rendez-vous, imaginant que l’urgence de la situation allait me dispenser de passer par la case Genius Bar, je me rendis au magasin Apple de l’Opéra.
Erreur. Impossible d’avoir accès à quiconque sans rendez-vous. J’eus beau montrer la mosaïque qui me tenait lieu d’écran, rien n’y fit.
« Qu’à cela ne tienne, je vais donc prendre rendez-vous ».
Certes, mais l’affluence était telle que ce fut rigoureusement impossible. Aussi puisque je ne pouvait continuer avec cet écran qui n’en était plus un, je commis la faute ultime, celle qui est l’outrage à l’oligopole parfait d’Apple : je fis réparer mon écran chez un vendeur non agréé.
Me voilà donc avec un iPhone à nouveau en état de marche, mais ayant toujours la maladie de l’écran bleu. J’étais donc en partie soulagé, inconscient du crime de lèse-majesté que je venais de commettre, et qui m’excluait définitivement du paradis Apple.
(à suivre)

10 nov. 2014

PLUS DE SON, PUIS TROP DE BLEU !

Histoire de pomme (2)
Acte 3 : Remplacement de l’iPhone 5S initial par un clone apparemment flambant neuf fin juillet 2014
Décidant qu’il ne pouvait être question de me satisfaire d’un iPhone qui me ramènerait au temps du cinéma muet – et pourtant ce serait charmant de retourner un nouvel arroseur arrosé ! –, je décide de m’adresser à Apple pour qu’il me le répare.
Je découvre alors les joies du « Genius bar », ce système qui contraint tout utilisateur d’Apple à prendre rendez-vous pour qu’une intervention pourtant couverte par la garantie puisse avoir lieu. Première rencontre avec la conception étrange du service client version pomme : l’obliger à accepter les contraintes de la firme, tout en lui faisant croire que c’est pour son bien.
Grâce à mon expertise de la navigation web, me voilà donc disposant d’une réservation pour un rendez-vous au magasin Apple à côté de l’Opéra de Paris. Une demi-heure d’attente et une analyse rapide faite par un spécialiste compétent, suffirent à me doter d’un nouvel iPhone 5S qui me faisait à nouveau pénétrer dans les joies du cinéma parlant.
J’imaginai un instant demander à ma fille, à mon nouveau gendre et à la myriade d’invités de revenir pour retourner les vidéos manqués, mais je compris rapidement qu’il ne pouvait pas en être question. 
Je mis donc mon mouchoir sur ma peine – ce n’est qu’un image, car je ne me serais pas permis de recouvrir une merveille technologique comme un iPhone d’un objet aussi vulgaire… –, et quittai, heureux, le magasin de l’Opéra.
Acte 4 : Quand le nouvel iPhone se révèle aimer redémarrer de lui-même, ce de préférence à un moment critique
Rapidement je dus déchanter, car si ce nouvel iPhone tournait d’excellentes vidéos, il était doté d’un esprit autonome et taquin qui l’amenait, sans raison et sans prévenir, à redémarrer à tout moment. Je découvris la joie des écrans bleus à répétition.
Certes le redémarrage est rapide, mais quand il survient au milieu d’une conversation téléphonique, ou juste quand on est en train d’envoyer un message critique, c’est pour le moins irritant. D’autant plus qu’il faut ensuite rentrer le mot de passe pour déverrouiller le téléphone, car après redémarrage la reconnaissance tactile ne fonctionne pas.
Pris par un agenda encombré, ayant le souvenir de la difficulté de l’obtention d’un rendez-vous au fameux Genius Bar, et pensant naïvement que le problème allait se résoudre à l’occasion d’une mise à jour du système, le fameux 8.0 tant attendu, je me décidai à endurer le problème.
Ce fut mon erreur…
(à suivre)

7 nov. 2014

DOMMAGE…

Étrange esprit frappeur
Immobile et attentif, il attend la main qui se saisira de la corde qui lui donnera vie.
Un peu plus loin, sur le côté, des sortes de cochons ailés, rient déjà du son aigrelet qui jaillira.
Cette scène potentielle et latente se tient sur les côtés d’une porte de ma maison en Provence.
Témoignages issus d’un voyage passé en Thaïlande, où les uns et les autres ont été conçus et sont nés.
J’aimerais connaître la main et le visage de l’artisan qui les ont façonnés.
Mais seuls résonnent derrière moi le chant des grillons et la vibration des lavandes…

6 nov. 2014

TOUT AVAIT SI BIEN COMMENCÉ...

Histoire de pomme (1)
Avertissement : Si cette histoire ressemble à une histoire réelle, c’est juste parce qu’elle est fidèle à 100% à ce qui m’est arrivé !
Acte 1 : Finir par être séduit en septembre 2013 par les atours de l’iPhone 5S
Difficile de résister aux talents marketing de la firme à la pomme. Ce n’est pas pour rien qu’elle a choisi comme emblème l’icône de la tentation, et que le fruit est déjà croqué. 
Ni Steve Jobs, ni Tim Cook, son successeur, ne se sont encore déguisés en Ève à l’occasion d’un de ces lancements dont la firme s’est faite la championne, mais peut-être en ont-ils eu l’idée, qui sait ?
Bref, me voilà donc muni en septembre 2013 de l’objet miracle. Et je dois alors l’avouer en être tout à fait content. 
Acte 2 : Avoir un micro qui ne fonctionne plus lors du mariage de sa fille en juillet 2014 
Les semaines et les mois passèrent, faisant de moi, un iPhoneur heureux et satisfait. 
Quel plaisir non seulement de téléphoner – et oui de temps en temps, il m’arrivait de m’en servir bêtement comme d’un téléphone –, mais de surfer, utiliser toute une noria d’applications pour la plupart inutiles, mais tellement plaisantes, prendre des photos, écouter de la musique, et tourner des vidéos.
Enfin, pour ce qui est des vidéos, tout se passa bien jusqu’au jour où je m’en suis servi pour immortaliser mi-juillet 2014, quelques moments de la soirée de mariage de ma fille. 
Était-ce un mauvais sort jeté par mon surmoi refusant de la voir partir ? Allez savoir ! Toujours est-il que les vidéos furent muettes.
(à suivre)

5 nov. 2014

RECRÉER DU LIEN ENTRE FRANÇAIS, ET ENTRE LES TERRITOIRES ET LE MONDE

La France périphérique (8)
Que faire donc face à la montée de la vague bleue, et comment se positionner sur le terrain politique français ?
Faut-il lui abandonner cette France Périphérique ? Certainement pas !
Faut-il alors entrer en compétition avec le Front National en faisant assaut de démagogie et en accroissant la fracture entre cette France rurale et des villes moyennes avec celles des métropoles ? Non plus !
Le défi est autre : reconnaître la réalité de cet abandon territorial, et recréer du lien entre tous les territoires. 
Il y a presque 50 ans, le Général de Gaulle lançait une politique d’Aménagement du Territoire ambitieuse pour mettre fin à Paris et le Désert français (1). Aujourd’hui, il faut lancer une nouvelle politique d’Aménagement du Territoire pour retisser les liens entre les métropoles et le reste de la France.
Tel est très probablement un champ de travail essentiel des futures grandes Régions que Nous Citoyens appelle de ses vœux (2) : construites autour des grandes métropoles qui assurent la connexion de la Région avec le reste du Monde, elles devront les relier avec tout le territoire régional, et faire qu’elles ne siphonnent pas le développement et les richesses, mais au contraire contribuent à un développement mieux réparti et harmonieux.
En parallèle avec cette recréation d’un lien territorial, il faudra aussi recréer un lien social entre tous ceux qui composent la France : que l’on soit grand ou petit, droitier ou gaucher, hétérosexuel ou homosexuel, blanc, black ou beur, Français de souche ou né de l’immigration, seul ou en famille, avec ou sans enfants, que l’on habite Paris, Lyon, Saint Denis, Nogent le Rotrou, ou Montélimar, salarié ou entrepreneur, ouvrier ou agriculteur, nous sommes tous Français. 
Nous devons tous faire société ensemble. C’est à ce prix que la France sera collectivement forte. Il ne peut y avoir de succès individuel.
Voilà un bel objectif pour Nous Citoyens : être le Parti du lien. Celui qui va le récréer, non pas à partir du haut, mais à partir de chaque citoyens. Passer d’une juxtaposition de Je qui ne sentent plus citoyens, à un Nous Citoyens !
(1) Livre de  Jean-François Gravier, paru en 1947, et qui a fortement orienté la politique d’Aménagement du Territoire lancée ensuite
(2) Voir Une organisation territoriale à 3 niveaux au lieu de 5

4 nov. 2014

LE FN SURFE SUR LA FRANCE PÉRIPHÉRIQUE

La France périphérique (7)
Cette différence de positionnement sous-tendrait l’évolution actuelle des trois grands partis : PS, UMP et FN
Le PS et l’UMP sont tous deux connectés aux métropoles, mais l’UMP qui est essentiellement focalisé sur les personnes âgées bénéficie du vieillissement de la population, alors que le PS s’effondre avec le déclin de la classe moyenne.
Ainsi il voit l’UMP sous une dynamique démographique favorable : « L’UMP bénéficie très largement du vieillissement de la société, sa base électorale étant constituée de retraités. Dans une société vieillissante, cette base offre un socle solide et durable si ce parti arrive à conserver une part majoritaire des retraités, les « retraités pauvres », définis par le sociologue Serge Guérin. Car si les jeunes et les actifs issus de ces milieux populaires sont désormais très éloignés des partis de gouvernement, ce n’est pas le cas de ces catégories. »
En parallèle, il va jusqu’à poser la question de la fin du PS : « Mais les jours heureux ont pris fin : tout se grippe aujourd’hui avec l’implosion de cette classe moyenne majoritaire. Le socle électoral du PS se réduit comme peau de chagrin. Si les salariés et surtout les retraités du secteur public constituent encore le socle électoral du parti, la dynamique électorale est désormais à chercher du côté des catégories intellectuelles et supérieures des grandes villes. Le PS, parti des jours heureux, se replie ainsi lentement sur quelques territoires, ceux des jours heureux de la mondialisation, les grandes villes. »
Le FN, lui, surfe sur la dynamique des nouvelles classes populaires, celles qui vivent abandonnées dans la France périphérique :  « Né sur les ruines de la classe moyenne et la précarisation des actifs employés et ouvriers, ce parti réunit désormais une majorité des catégories modestes, jeunes et actifs qui subissent directement les effets de la mondialisation et de l’émergence d’une société multiculturelle. La très forte dynamique sociologique est en outre renforcée par une dynamique territoriale. Ce vote s’inscrit ainsi fortement dans les territoires de la France périphérique. À l’écart des métropoles, c’est un considérable réservoir de voix qui se dessine pour le parti frontiste… s’il réussit à convaincre les abstentionnistes. »
Tel est le paysage pour le moins inquiétant qui ressort du livre, La France Périphérique. Alors que faire, et qu’en tirer pour Nous Citoyens ?

(à suivre)

3 nov. 2014

LA FRACTURE POLITIQUE EN MIROIR À LA FRACTURE SOCIALE ET GÉOGRAPHIQUE

La France périphérique (6)
Quelles sont les conséquences politiques de cette fragmentation de la France ?
Tout d’abord Christophe Guilluy affirme qu’un parti c’est « une sociologie + une géographie. Ce sont les électeurs qui choisissent les partis et influencent leurs discours, pas l’inverse. » Propos d’abord surprenants, mais très éclairants, et surtout vrais quand le discours politique est aussi peu visionnaire qu’aujourd’hui. Nous avons des « pseudo-leaders » qui courent après leurs électeurs, plus qu’ils ne les orientent !
Alors qu’en est-il des partis de gouvernement, c’est-à-dire du PS et du coupe UMP-UDI, et du FN ?
Selon lui, les partis de gouvernement sont focalisés sur les villes métropoles, banlieues incluses, et sont déconnectés de la France périphérique, alors que le FN s’est progressivement centrée sur elle :
« Portés au pouvoir par des catégories protégées ou gagnantes des effets de la mondialisation, soutenus par un pouvoir économique et financier mondialisé, il est difficile d’imaginer que les partis de gouvernement puissent prendre en compte les attentes de catégories qui contestent cette politique. (…) Le vote pour l’UMP et pour le PS est de plus en plus celui des protégés (retraités et fonctionnaires) ou bénéficiaires (catégories supérieures) de la mondialisation tandis que l’électorat FN est celui des catégories qui sont depuis des décennies au front de la mondialisation (ouvriers, employés, chômeurs). »
C’est cette connexion avec la France périphérique qui expliquerait la « gauchisation » croissante du discours du FN : « Une sociologie électorale où les classes populaires, les actifs et les jeunes sont surreprésentés ; une « sociologie de gauche » qui contraint les dirigeants frontistes à abandonner un discours libéral pour défendre l’État-providence. »
Cette focalisation différente conduirait inexorablement vers une fracture croissante entre partis de gouvernement et FN correspondant la fracture géographique et sociale :
« Protégé, l’électorat PS et UMP l’est de plus en plus. Il est aussi de plus en plus âgé : alors que seuls 15 % des électeurs FN sont âgés de 65 ans ou plus, cette proportion s’élève à 31 % chez le PS et 45 % à l’UMP. Mieux, 74 % des électeurs FN sont âgés de 35 à 64 ans, contre seulement 50 % de ceux du PS et 42 % de ceux de l’UMP ! Jeunes, actifs occupés, chômeurs, issus de catégories populaires, le FN est devenu le parti des catégories les plus fragiles et au front de la mondialisation. Inversement, les partis traditionnels ne rencontrent plus que l’adhésion d’un électorat vieillissant et/ ou protégés et/ ou bénéficiaires du modèle économique contemporain. »
Ceci conduit notamment le PS à tenir un discours de plus en plus hors sol : « C’est un mode de vie hors sol, dans un monde sans frontières et de croissance illimitée, que la gauche valorise comme le sommet de l’esprit tolérant et ouvert, alors qu’il est simplement la façon typique de la classe dominante d’être coupée du peuple. On a souvent parlé de gauche caviar, [je] me demande s’il ne faudrait pas parler de gauche kérosène pour désigner ce que devient la nouvelle gauche. »
(à suivre)

31 oct. 2014

HISTOIRE DE MURS EN PIERRES SÈCHES

Sans logique ?
Juste des pierres, posées les unes sur les autres,
Comme jetées, sans logique apparente, sans tri,
Une verticale chaotique, un entremêlement de lignes.
Le soleil joue dedans, accusant une rupture,
Soulignant un alignement, ombrant une courbe,
Les faisant flamboyer quand il se couche.
Ainsi vont nos vies, nos gestes, nos rencontres.
Un moment sur un autre, une conversation sur une autre,
Un amour après un autre, une trahison après une autre.
Notre regard, tel le soleil, quand nous nous retournons,
S’arrête sur tel ou tel détail, souligne un instant,
Reconstruit un lien et un sens à ce qui n’était que succession.

30 oct. 2014

LES TROIS FRANCE

La France périphérique (5)
On aboutit ainsi selon Christophe Guilluy à trois France qui cohabitent vaille que vaille : 
« La relocalisation des nouvelles catégories populaires dans la France périphérique, la concentration dans les quartiers de logements sociaux des catégories populaires d’immigration récente dans les grandes métropoles, et enfin la concentration des catégories supérieures dans le parc privé de ces mêmes métropoles dessinent les contours de trois ensembles socioculturels. »
« Premier ensemble La France périphérique et populaire : les catégories populaires d’origine française et d’immigration ancienne : Loin des débats gauche/ droite, la France périphérique portera la question de l’alternative économique au modèle de l’économie mondialisée, la relocalisation, l’introduction du protectionnisme mais aussi celle de la circulation des hommes et donc de l’immigration. »
« Deuxième ensemble : Banlieues ethnicisées, des valeurs traditionnelles au cœur de la mondialisation libérale : Si l’on tient compte du fait que ces territoires sont devenus des sas entre le Nord et le Sud, il apparaît au contraire que l’intégration économique et sociale fonctionne pour leurs habitants, notamment grâce au dynamisme du marché de l’emploi métropolitain et aux politiques publiques. L’enjeu est d’abord celui de la gestion de la société multiculturelle. »
« Troisième ensemble : Métropoles mondialisées et gentrifiées, le modèle libéral de la société ouverte : Tenantes du pouvoir économique et culturel, elles sont aujourd’hui les derniers soutiens des grands partis et surtout du modèle économique dominant. Rempart autodésigné au « populisme », elles interdisent de fait la visibilité des aspirations des catégories populaires. »
Toujours selon Christophe Guilluy, ceci expliquerait largement la critique de l’État providence : 
« Il faut comprendre cette évolution à la lumière d’une société multiculturelle naissante. Le sentiment général n’est pas que l’on souhaite « moins d’État » ni moins de prestations sociales pour soi-même mais pour les « autres ». (…) En effet, la remise en cause de la légitimité de l’État-providence dans un pays qui attache par ailleurs autant d’importance aux services publics et à l’État est le signe d’un basculement politique et sociétal majeur. C’est le paradoxe de la situation actuelle qui dénote la perversité d’un système libéral et mondialisé : demain, la critique de l’État-providence ne sera plus portée par en haut mais par ceux-là mêmes qui en ont le plus besoin. »
Avant d’en venir à mes conclusions personnelles, prenons le temps de revenir sur les conséquences qu’il en tire pour l’évolution politique française. En quoi tout ceci pourrait-il expliquer la montée du Front National, la fragilisation croissante du Parti Socialiste, et le maintien problématique de la droite classique ?
(à suivre)

29 oct. 2014

LA PEUR DE SE RETROUVER MINORITAIRE SERAIT UNIVERSELLE

La France périphérique (4)
Afin d’enrichir sa recherche, Christophe Guilluy nous invite à prendre conscience que la peur de se retrouver minoritaire dans son propre lieu de vie, n’est pas l’apanage des Français les moins favorisés. Loin de là ! On retrouve cette peur de partout.
Tout d’abord la population immigrée est elle-même inquiète de se voir submergée par de nouveaux arrivants :
« Ainsi, si 82 % des musulmans franciliens interrogés sont favorables au droit de vote des étrangers, ils sont la moitié à juger « qu’il y a trop d’immigrés », et 52 % à considérer que l’on « ne se sent plus chez soi comme avant » (…) Les Français musulmans vivent au quotidien la question des flux migratoires, dans des villes ou des quartiers où se concentrent les flux d’immigration récente, c’est-à-dire dans des espaces où les mobilités résidentielles sont fortes et l’instabilité démographique permanente. Or, une part importante de la population musulmane francilienne, souvent en phase d’ascension sociale et vieillissante, vit difficilement l’intensification des flux migratoires récents, souvent subsahariens, qui contribuent fortement à une forme d’insécurité culturelle. »
Et ceci se retrouve dans les pays de par le Monde :
« En novembre 2012, le magazine Maroc Hebdo avait suscité l’émoi en affichant sur sa « une » le titre « le péril noir » pour dénoncer l’immigration subsaharienne. »
« Personne ne souhaite être minoritaire : Dans une société multiculturelle où l’autre ne devient pas soi, la question du nombre devient essentielle : combien va être « l’Autre » dans ma ville, mon village, mon quartier, mon immeuble ? (…)Il n’est scandaleux que s’il se réfère à une hiérarchie entre les peuples et les cultures, mais légitime quand il répond à l’angoisse compréhensible de ne pas souhaiter être ou devenir « minoritaire » sur un territoire donné. »
« Devenir ou être minoritaire, c’est dépendre de la bienveillance d’une majorité : Avec Israël, les juifs passent du ghetto au village. Ce passage d’une minorité structurelle à une majorité relative soulève évidemment des questions touchant le rapport à l’autre, le développement de logiques séparatistes, la création de colonies autour de Jérusalem qui visent par exemple à maintenir le fait majoritaire. » 
Partout les classes dirigeantes vivent le multiculturalisme positivement car, elles « ont les moyens de la frontière invisible avec l’autre, ne veulent pas de cette séparation. Ce sont elles qui demandent, au nom du bien, toujours plus de « mixité ». »
D’où une incompréhension croissante entre les deux :
« Le décalage entre la perception des élites et celles du peuple se lit dans cette gestion du multiculturel. Aux classes dominantes, qui vivent le multiculturalisme à 5 000 euros par mois, et pour qui la solution passe par plus de mixité, les classes populaires, celles qui vivent le multiculturalisme à 1 000 euros par mois, répondent séparatisme. (…) Les catégories modestes souhaitent préserver leur capital social et assurer la transmission de leur patrimoine et de leur « village » à leurs enfants. Il s’agit d’une démarche de protection, pas de fermeture, elle n’interdit donc pas l’accueil de l’autre ni la fraternité mais exige un entre-soi majoritaire. »
Difficile cohabitation, et défi collectif…
(à suivre)

28 oct. 2014

LA MOBILITÉ NE CONCERNE PAS TOUT LE MONDE

La France périphérique (3)
Avant d’en venir aux conclusions politiques que tire Christophe Guilluy, arrêtons-nous un instant sur son analyse de ce qui est considéré comme une donnée de notre monde : le développement de la mobilité.
D’abord qu’en est-il des migrations internationales ?
« Les migrations internationales ne concernent qu’environ 3 % de la population mondiale, soit une partie infime des habitants de la planète. En réalité, quand elles ont lieu, l’essentiel des mobilités humaines sont des migrations internes aux États. Dans tous les cas, l’immense majorité des habitants du monde vivent dans le pays où ils sont nés. (…) On l’oublie souvent : l’immigration est d’abord un arrachement, plus rarement un choix. (…) Une enquête de Sciences Po(1) montre que le taux d’expatriation ne touche que 0,004 % des non-diplômés contre 2,1 % des titulaires d’un doctorat, soit 52 fois plus. La part des jeunes ingénieurs travaillant à l’étranger est passée de 14,6 % à 19 %. »
Ainsi à nouveau, déconnexion entre la France des métropoles et celle de la périphérie. Mais tout ceci doit être en train de changer puisque la France est sillonnée de TGV. Sauf que qui trouve-t-on dans les TGV ?
« L’économiste Julien Milanesi observe par exemple que depuis la mise en service d’un train roulant à 300 km/ h plutôt qu’à 160 km/ h ou 200 km/h, la SNCF attire toujours plus de catégories supérieures. Le train est devenu un moyen de transport socialement marqué. Plébiscitée par les élites, l’hypermobilité est le fait des classes supérieures, une mobilité financée pour partie par… les catégories modestes. Les coûts des infrastructures ferroviaires, routières et aériennes sont en effet pour partie assumés par des financements publics ; des budgets pharaoniques auxquels contribue donc la majorité, surtout pour le confort, in fine, d’une minorité. »
Aussi la mobilité qui est l’apanage des métropoles est creuse davantage la fracture :
« Les métropoles mondialisées et gentrifiées resteront celles des mobilités (par le haut pour les catégories supérieures et par le bas pour les catégories populaires immigrées), tandis que la France périphérique verra peu à peu émerger une France des sédentaires contraintes par le contexte économique, social et foncier. »
« La volonté d’éviter les quartiers et plus largement les territoires des grandes villes où se concentre l’immigration participe à la sédentarisation des populations dans des territoires économiquement peu dynamiques. »
(à suivre)

27 oct. 2014

PROMENADE DANS LA FRANCE ABANDONNÉE

La France périphérique (2)
Dès que l’on quitte le monde des métropoles, on se retrouve en une France qui vit déconnectée de l’économie-monde.
« Territoire d’une France « populaire et fragile », la « France périphérique » recoupe des réalités économiques et sociales très différentes. Des territoires ruraux et industriels de la Bretagne intérieure aux territoires du « périurbain subi » de Brignoles, ce petit tour de la «France périphérique » vise à éclairer l’émergence d’un continuum socioculturel sur les ruines des classes ouvrières et moyennes. »
C’est donc une France difficile à saisir et à décrire puisqu’elle recouvre des réalités concrètes très différentes. Elle recouvre aussi bien la révolte des bonnets rouges bretons ou celle des sidérurgistes lorrains de Gandrange.
Qu’ont-ils en commun ? Essentiellement d’être pris au piège d’appartenir à un territoire où les offres d’emploi régressent, car déconnecté du mouvement mondial, et d’y être piégé par des liens économiques et culturels :
« Les problèmes financiers sont structurels (ayant du mal à s’acquitter du paiement des traites de leur maison, des nombreux déplacements, de l’obligation de posséder deux voitures) et l’endettement, voire le surendettement, répandu. Quand le chômage frappe, l’éloignement des zones les plus dynamiques rend difficile un retour à l’emploi. Le piège se referme sur « cette classe moyenne inférieure » caractéristique en réalité de ces nouvelles catégories populaires fragilisées. »
Autre propos très dérangeant de Christophe Guilluy, son discours sur l’attitude des classes les plus défavorisées vis à vis de l’immigration : ce sont elles qui sont effectivement confrontées à la réalité de la cohabitation, et non pas les classes supérieures, qui ont, elles, la possibilité de vivre à distance. Les classes favorisées peuvent construire des stratégies d’évitement : elles parlent de la société multiculturelle, mais elles n’en vivent pas au quotidien les inconvénients.
« Contrairement à ce que l’on croit, le diagnostic rationnel, objectif, est celui des classes populaires, car ce sont elles qui vivent au quotidien, depuis trente ans, les effets de la mondialisation (stagnation ou déflation salariale, précarisation, chômage, fin de l’ascension sociale) et de son corollaire lié à l’immigration (aléas de la cohabitation, quartiers difficiles, problèmes de logement, déshérence de l’école, instabilité démographique...). Ainsi, contrairement à ce que l’on écrit et dit un peu partout, le diagnostic « par le bas » (désigné comme « populiste ») n’est pas le fruit d’un emportement irréfléchi, d’une radicalisation irrationnelle ou d’une protestation superficielle) »
Aussi si elles ont fui les banlieues et se sont retrouvées dans cette France périphérique, où elles se sentent de plus en plus abandonnées, ce n’est pas pour y revenir, et pas non plus pour accepter le discours moralisateur d’une mondialisation et d’une société multiculturelle qui seraient a priori positives.
(à suivre)

24 oct. 2014

FIGÉS

Au Québec
Drôles de rencontres faites cet été au Québec, dans la Belle Province.
Devant les maisons de Saint Anne des Monts en Gaspésie, les humains se sont statufiés.
Ont-ils passé trop de temps à contempler les baleines qui jouent dans la baie du Saint Laurent ?
Ou est-ce un reste d’un hiver trop rigoureux qui les aurait figés ? Mais qui alors a pris le temps de les dévêtir ?

Et que penser de ces trois garçons d’une rue du vieux Québec, qui sont devenus plantes ?
Sont-ils des triplés ? Appelés par une Juliette disparue, ont-ils sauté de concert pour se trouver cloués sur ce balcon ?
Ou étaient-ils en train d’en descendre quand un djinn, de passage et malicieux, les a figés, voulant faire un jeu de mot entre son nom et leurs pantalons ? 
Allez donc savoir…

23 oct. 2014

LES BANLIEUES SONT-ELLES DES GHETTOS ?

La France périphérique (1)
Souvent quand on prend le temps de lire un livre dont tout le monde parle, on est déçu, car le niveau d’attente est tel que c’est le plus probable. 
Avec La France Périphérique de Christophe Guilluy, rien de tel. Non seulement la richesse du contenu et son originalité sont à la hauteur du buzz, mais sa lecture m’a même ouvert plus de perspectives que je ne l’imaginais avant !
Il était donc nécessaire que je lui consacre une série de billets, où, conformément à mon habitude, je vais alterner citations – selon la logique d’un patchwork de ce qui m’a le plus interpellé – et commentaires, ou digressions. Je ne vais pas suivre nécessairement le plan du livre, mais procéder plutôt à une déconstruction-reconstruction.
En route donc pour cette promenade dans, pour reprendre le sous-titre, « comment on a sacrifié les classes populaires ».
Quelques observations d’abord sur l’immigration et les banlieues des métropoles.
« L’inégalité sociale et culturelle au cœur d’un modèle sans « classes moyennes » : En 2008, dans la Seine-Saint-Denis, 63 % des actifs ayant déjà travaillé et âgés de 18 à 50 ans sont d’origine étrangère. Mais c’est le cas de près de 90 % des ouvriers, contre à peine plus de 30 % des cadres. En Île-de-France, si 61 % des ouvriers de 18-50 ans ayant déjà travaillé sont d’origine étrangère, c’est le cas de 24 % des cadres seulement. Si le phénomène est plus marqué dans la métropole parisienne, les dynamiques sont les mêmes dans l’ensemble des grandes métropoles. Partout le clivage social tend à recouvrir un clivage ethnique. »
Pour l’instant, rien de très surprenant : nous retrouvons les immigrés « là où nous les attendions », c’est-à-dire parmi la classe ouvrière, donc la moins favorisée.
Mais souvent, dès que l’on parle de banlieues, on y associe la vision d’un ghetto dont il est difficile, voire impossible de sortir. Or Christophe Guilly dresse un portrait tout autre, celui « des banlieues intégrées et qui produisent des classes moyennes » :
« On ne perçoit pas que ces territoires se caractérisent en fait par l’importance de leur mobilité résidentielle. Dans son rapport de 2005, l’ONZUS (Office National des Zones Urbaines Sensibles) révélait que le taux de mobilité en ZUS était de 61 % ce qui en faisait les territoires les plus mobiles de France. La permanence d’indicateurs sociaux dégradés est en fait une des conséquences de cette mobilité. Car si ces quartiers accueillent en effet une part essentielle des flux migratoires, ils enregistrent dans le même temps, et logiquement, le départ des ménages les mieux insérés ou les plus diplômés. »
Ainsi selon son analyse, ces banlieues qui entourent les villes métropoles, ne sont pas des lieux d’exclusion, mais d’inclusion dans l’économie-monde, certes au prix d’un modèle inégalitaire, mais les connexions sont réelles.
Alors que le reste du territoire, celui qui n’est ni métropole, ni banlieue d’une métropole, est lui coupé de l’économie-monde. C’est là que l’on trouverait les vrais défavorisés. Bienvenue dans la France périphérique !

(à suivre)